Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 16.djvu/397

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mener à tout prix à bonne fin le siège de Saint-Jean-d’Acre. Ce fils et successeur, qui avait nom Malek el-Ashraf, se hâta de rendre solennellement les derniers devoirs à son père et s’occupa incontinent avec la plus grande activité d’achever l’ouvrage commencé ! Au rapport d’Ibn Férat, renouvelant les prescriptions paternelles, il expédia dans toutes les provinces les ordres les plus pressans pour l’armement général des contingens de guerre et la confection des machines de siège. Au mois de février 1291, l’émir Izz ed-din Aibek Afram se rendit par son ordre au Liban pour y veiller à cette construction. Dès le 4 mars, un premier convoi des portions de machines achevées fut mis en marche ; le 15 du même mois déjà, on procéda au montage de ces diverses pièces sous le commandement de l’émir Alam ed-din Sindschar.

De toutes parts, à l’appel du nouveau Sultan, en Egypte comme en Syrie et en Mésopotamie, la foule des guerriers sarrasins courait aux armes. Tous ceux de Damas, de Hamah, de tout le reste de la Syrie, du pays de Misr qui est l’Egypte, de l’Arabie aussi, se mirent en route par groupes nombreux. Tout fut disposé pour en finir enfin avec cette odieuse cité de Saint-Jean-d’Acre, écharde douloureuse dans la chair de l’Islam. Le vingt-troisième jour de mars, le naïb ou généralissime de Syrie, Hussam ed-din Toghril, quittait de son côté le Caire pour aller assembler le reste des contingens syriens. Le 26 mars enfin, le valeureux prince de Hamah, Malek el-Muzaffar, le propre père de l’historien géographe célèbre Abou’l féda, fit son entrée à Damas à la tête de ses contingens ; le lendemain, ce fut le tour de Seif ed-din Belban, l’émir ou gouverneur du puissant château des Kurdes. Une immense agitation militaire animait toutes les poudreuses routes de Syrie convergeant à la grande citadelle chrétienne. D’innombrables et lents convois de chameaux pelés, aux files interminables, des bandes infinies de piétons et de cavaliers aux blancs manteaux, semblaient comme un peuple de fourmis accourant à la curée.

L’historien Abou’l féda, dont la chronique historique nous est un document si précieux, commandait personnellement dans l’armée de son père, le prince de Hamah, à un groupe de dix hommes à l’aide desquels il surveillait et dirigeait le voyage d’un segment (une roue) d’une catapulte de proportions tellement gigantesques que l’ensemble nécessitait cent paires de