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parmi ceux qui s’en allèrent des premiers. Une partie des forces qu’il avait amenées partit avec lui.

Vers la fin de l’an 1290 ou dans les premières semaines de 1291, Kélaoun, dans une proclamation longuement motivée, annonça à ses peuples qu’il allait venger par la prise de Saint-Jean-d’Acre les violations incessantes des trêves commises par les chrétiens. Cette nouvelle fut accueillie avec un immense et pieux enthousiasme par tout le monde musulman. De même dans une lettre fameuse dont le texte authentique nous a été conservé, écrite au roi Héthoum d’Arménie, Kélaoun annonçait à ce prince qu’il avait juré sur le Coran de ne laisser la vie à aucun habitant chrétien de la cité maudite.

Nous venons de voir que, malgré la défense du Sultan, les Francs lui avaient encore dépêché une ambassade suppliante. C’était, hélas ! une mesure bien inutile. Dès que les quatre envoyés chrétiens : Philippe Mainebeuf qui parlait la langue arabe, le templier Barthélémy Pisan de Chypre, un chevalier de Saint-Jean et un scribe du nom de Georges, se furent rendus à la cour de Kélaoun pour lui donner toute satisfaction, ils furent sans autre forme de procès jetés dans un cachot où ils périrent[1]. Comme ces malheureux ne reparaissaient pas, et que tous les efforts des chevaliers des Ordres pour obtenir la livraison au Soudan des coupables avaient échoué devant le mauvais vouloir presque universel de la population, les premiers personnages de la cité, le patriarche Nicolas, les chefs des Ordres militaires, Jean de Grailly et le fameux guerrier Otton de Granson, qui était venu de Londres en Palestine par Rome, se réunirent un jour dans la cathédrale de Sainte-Croix d’Acre et s’entretinrent avec angoisse des mesures à prendre. Le vaillant patriarche releva les courages défaillans. Dans une allocution toute vibrante d’admirable énergie, il exalta les sentimens de concorde chrétienne que l’imminence du danger avait quelque peu ranimés parmi les défenseurs de ce suprême boulevard de la Foi en Syrie.

On expédia en Occident dans toutes les directions les plus pressans appels : au roi de Chypre, au Pape, aux Ordres militaires. Ces derniers répondirent par l’envoi de très nombreux chevaliers.

  1. Une source chrétienne dit que cette ambassade eut lieu quarante jours avant le début du siège.