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annuler le traité, le traité sera nul ; s’il veut le maintenir, il sera valide. » — « Ce n’est pas de cela qu’il s’agit, reprit Fath ed-din ; nous savons que le Sultan veut la guerre.» — Je répliquai : « Je le répète : moi, je suis de l’avis du Sultan. » Là-dessus, je citai un article du traité qui portait que, s’il venait à Acre des Chrétiens de l’Occident qui formassent de mauvais desseins contre les Musulmans, ce serait aux magistrats et au gouverneur de la ville de les réprimer. J’ajoutai que, dans le cas présent, les magistrats auraient dû empêcher ce meurtre ou du moins le punir ; que, s’ils ne s’étaient pas trouvés assez forts pour le faire, ils devaient au moins le dénoncer eux-mêmes afin qu’on y portât remède. » A ces mots, le Sultan ne put contenir sa joie ; il commença aussitôt ses préparatifs et ordonna de couper des bois dans toute la région de Balbeck et dans celle qui s’étend entre Césarée et Athlit, pour procéder immédiatement à la construction des machines de siège. « Ces travaux, dit à son tour l’historien Makrizi, furent terriblement troublés par des incursions de cavalerie franque et, en hiver, par d’abondantes chutes de neige. »

Mis au courant des préparatifs secrets du Sultan par la trahison d’un émir lié d’amitié avec les chevaliers du Temple, les maîtres des trois Ordres, déjà terrifiés par ces nouvelles, le furent bien davantage encore en lisant une lettre adressée par le Soudan au Maître du Temple, dans laquelle il lui disait qu’il se vengerait de cette rupture de la trêve en mettant la ville d’Acre à feu et à sang. Kélaoun, en terminant cette missive, ajoutait que le sort de Saint-Jean-d’Acre était décidé et qu’il était tout à fait inutile de tenter de le fléchir par une ambassade. Malgré cela, on se décida à lui en envoyer encore une. Ludolf de Suchem raconte même à ce sujet que le grand maître du Temple, « qui était l’ami intime du Soudan, » ayant envoyé une députation à celui-ci pour implorer la paix, Kélaoun lui aurait fait répondre qu’il se contenterait d’un sequin vénitien par tête d’habitant, mais que le grand maître ayant réuni le peuple dans l’église de Sainte-Croix, pour lui faire part de ces conditions, fut insulté par la foule. On le traita de traître. Il n’échappa qu’avec peine à des violences matérielles.

Entre temps, le bruit commençait à se répandre en Syrie que le Sultan marchait sur Saint-Jean-d’Acre avec toutes ses forces. Malgré les supplications du patriarche, Nicolas Tiepolo fut