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Bazaine eut donc la liberté de préparer le plan de bataille du lendemain.

Le plan que Bazaine adopta est très net, et il informa ses chefs de corps d’armée, sans équivoque, sans vague, sans dissimulation, des directives qu’ils recevraient le lendemain. Il veut se limiter à la défense des lignes d’Amanvillers, et il exclut toute prévision, sa défensive fût-elle triomphante, d’un retour offensif sur les masses allemandes concentrées et marchant en échelons de corps. Au contraire, il prévoit le cas d’une défaite qui l’obligerait à reculer sur Metz. Il ordonne au colonel Lewal de reconnaître une nouvelle ligne de défense en arrière. Cette prévision n’impliquait pas qu’il eût à ce moment l’intention de s’enfermer avec son armée dans le camp retranché de Metz : il considérait comme inexpugnable la position qu’il allait occuper, et tout général prévoyant, quelque certain qu’il soit de sa victoire, doit préparer une ligne de retraite en cas de défaite, Les grands capitaines n’y ont jamais manqué. Notre règlement, d’ailleurs, le lui ordonnait formellement. Rencontrant Le Boeuf et Frossard, le 17 au matin, il leur avait dit : « Vous savez que nous allons sur des positions faciles a défendre ; il faut s’agripper au terrain, il faut s’enterrer. Si nous sommes bousculés là, nous n’aurons plus qu’à nous mettre sous les forts. » Il fit transmettre à Canrobert les mêmes recommandations par le capitaine Bandai, de l’état-major du 6e corps.


X

Les Allemands de leur côté prenaient leurs dispositions de combat. Le roi de Prusse vint établir son quartier général à six heures du matin à Flavigny ; le prince Frédéric-Charles avait le sien à Vionville, et Steinmetz, à huit heures du matin, était sur le plateau situé au Sud-Ouest de Gravelotte.

Il faisait un temps clair qui permettait de voir au loin ; jusqu’à midi, pas un nuage. Le thermomètre marquait 24 degrés Réaumur. A l’état-major du Roi, ainsi qu’à celui du prince Frédéric-Charles, on se demandait aussi anxieusement que la veille : « Où sont les Français ? » Etaient-ils au Nord vers Briey et Thionville ou à l’Est vers Metz ? Les renseignemens étaient contradictoires. S’il y avait une différence dans la méthode des deux armées, elle n’était pas dans l’emploi de la