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ses subtiles et habiles ambassades auprès des princes chrétiens de l’Europe occidentale eurent décidément réussi à déjouer toute velléité de nouvelle grande croisade, il chercha le premier prétexte pour en finir avec les infortunés restes des principautés latines de Syrie. Dès l’année 1285, il profitait d’une prétendue agression des Hospitaliers de Markab pour mettre le siège devant cette splendide et puissante forteresse que Saladin et Bibars lui-même avaient déclarée imprenable. Elle succombait, le 25 mai, après plus d’un mois de siège. Peu de jours après, le non moins fort château de Maraklée, qui passait aussi pour invincible, immense tour quadrangulaire haute de sept étages aux murs épais de douze coudées, capitulait à son tour.

Rentré au Caire de cette expédition triomphante, le victorieux Sultan eut encore la satisfaction de se voir, dans le mois de novembre de cette même année, salué dans son palais des bords du Nil par des envoyés du roi des Romains Rodolphe Ier de Habsbourg, par ceux aussi de l’empereur de Constantinople Andronic II Paléologue et de la Commune de Gênes. Ils l’honorèrent des plus riches cadeaux. Ceux de l’empereur allemand étaient présentés par trente-deux porteurs et consistaient en pelleteries de zibelines et de petits-gris, en étoiles écarlates, en vêtemens de fin lin vénitien. Les dons de la Commune de Gênes consistaient en deux ballots de satin et de tissus dits « sarsina » d’après des modèles orientaux, plus six faucons de chasse, un grand chien blanc « plus grand qu’un lion, » peut-être un ours blanc. Ceux du basileus de Constantinople étaient un ballot de satin et quatre de tapis. Dans l’ambassade allemande figurait un des plus grands voyageurs en Orient de l’époque, qui avait parcouru toute la Palestine, Chypre et l’Arménie : Burchard de Monte Sion.

Deux années plus tard, nouvelles réclamations du Soudan. Il se plaint que le prince Bohémond d’Antioche, comte de Tripoli, ait à son tour transgressé les trêves. Une grosse armée qu’il avait dans le Nord de la Syrie assiège Laodicée et la prend à coups de catapultes le 30 avril 1287. En octobre déjà, Bohémond VII, le prince d’Antioche et de Tripoli, meurt sans postérité, et Kélaoun attaque bientôt après sa puissante ville de Tripoli, le principal comptoir des négocians génois avec l’Egypte. Il la prend après trente-quatre jours de siège le 26 avril 1289, malgré l’arrivée d’une armée de secours partie de Saint-Jean-d’Acre.