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Frédéric II n’avait abouti qu’à une réoccupation éphémère de Jérusalem. Celle du roi saint Louis, vingt ans plus tard, vers le milieu du XIIIe siècle, avait eu, malgré des prodiges de vaillance, la douloureuse issue que chacun connaît. Puis l’enthousiasme même de la Croisade avait fini par faiblir presque entièrement en Occident. Les derniers princes des dernières principautés chrétiennes maritimes de Syrie ne recevaient plus d’Europe que des renforts très amoindris. Associés aux chevaliers des trois Ordres célèbres du Temple, de l’Hôpital et Teutonique, ils ne luttaient plus que très péniblement contre la puissance sans cesse grandissante de toutes les forces militaires de l’Islam en Egypte et en Syrie, au Caire comme à Damas. Toutefois, Saint-Jean-d’Acre demeurait la principale forteresse des Francs d’Outre-mer, leur grande capitale militaire et commerciale sur la côte syrienne.

Le fameux Soudan d’Egypte, le terrible Bibars, qui avait enlevé successivement aux Latins d’Orient le château des Kurdes, Césarée, Jaffa, le Safed et la grande cité d’Antioche, première conquête des Francs de la première croisade, était mort le 19 juin 1277. Encouragés par cette disparition de leur plus mortel adversaire, les chrétiens de Terre Sainte avaient cru pouvoir rompre les trêves de dix années jadis conclues avec lui, profitant de ce que les envahisseurs Mongols mettaient affreusement à feu et à sang le Nord de la Syrie. Mais, après quelques succès, apprenant la défaite totale de ces hordes barbares par le nouveau Soudan Kélaoun, redoutant quelque incursion vengeresse de ce dernier, ils avaient cru prudent de transiger une fois de plus. En suite de quoi les chevaliers du Temple, ceux de l’Hôpital, le comte Bohémond de Tripoli, la Commune de Saint-Jean-d’Acre, d’autres groupes latins encore, avaient, par l’entremise de leurs délégués, signé à Rouha, dans la banlieue du Kaire, en 1283, puis encore l’an d’après, avec les représentans du Soudan, une nouvelle trêve de dix ans, dix mois, dix jours, dix heures. C’était la singulière coutume de l’époque. La loi de l’Islam défendait de conclure et signer une paix véritable entre les vrais croyans et les infidèles ; elle autorisait seulement des trêves.

Ces trêves, la faiblesse même des chrétiens de Palestine leur interdisait d’ordinaire de chercher à les rompre. Il en était tout autrement pour Kélaoun, le puissant Soudan d’Egypte. Lorsque