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qui prévalaient. Et beaucoup de ses disciples, plus francs ou plus maladroits qu’Osiander, les accentuaient souvent : tel, Giordano Bruno [1550-1600]. L’attitude des Luthériens, enfin, compliqua étrangement l’affaire : appuyés ostensiblement sur la Bible, ils ne pouvaient faire moins que de prendre son parti ; et n’était-il pas visible qu’elle supposait l’immobilité de la terre et le mouvement du soleil ? Oubliant quelle prudence saint Augustin prêche en ces matières, Luther ouvre donc le feu, il attaque l’héliocentrisme. Mélanchton et Peucer viennent à la rescousse [1549-1571] ; un grand astronome luthérien, le Danois Tycho-Brahé [1546-1601], se propose explicitement d’accorder avec l’immobilité de la terre, retenue comme un dogme, les calculs de Copernic, retenus à titre d’hypothèses commodes ; en 1595, le sénat de l’université luthérienne de Tübingen adopte une attitude encore plus rigoureuse. Par la voix de Tycho-Brahé, l’Église luthérienne signifie qu’une hypothèse, pour être acceptée, doit s’accorder avec Aristote et avec l’Écriture aussi bien qu’avec l’expérience [1578]. — Trois ans plus tard, le jésuite Clavius adopte sa doctrine [1581] ; sans doute craint-il de paraître moins soucieux que l’adversaire de l’honneur de l’Écriture ! Peut-être eût-il mieux fait de se rappeler les conseils de saint Augustin et la doctrine de ces très orthodoxes évêques et prêtres qui avaient fondé la Science Parisienne.

Il s’agit donc, pour les Copernicains, de remporter la victoire, si j’ose ainsi dire, sur le champ de bataille de la cosmologie et de la métaphysique, comme ils l’ont gagnée déjà dans le domaine de la science pure, au point de vue de l’expérience. Diego de Salamanque s’y efforce, qui recherche tous les textes bibliques favorables au mouvement de la terre [1584]. Et telle est, très certainement, la tâche que s’assigne Galilée [1564-1642]. Sa mécanique tend à fonder son astronomie ; son incontestable génie mathématique, heureusement servi par l’usage qu’il sait faire d’une puissante lunette afin d’étudier les astres, utilise plusieurs idées très fécondes de l’École parisienne ; mais la dynamique d’Aristote l’entrave trop souvent encore. Il combine avec celle-ci le principe des déplacemens virtuels et la notion d’un impeto proportionnel à la vitesse du mobile ; il sait découvrir que la chute d’un grave est uniformément accélérée, mais ne voit pas quel parti tirer de la théorie de l’impetus pour rendre