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bile parcourt en un mouvement varié. » Il s’inspire de cette idée strictement anti-aristotélicienne que Duns Scot, Jean de Bassols et Grégoire de Rimini ont développée avec vigueur : aucune distinction tranchée ne doit être établie entre la catégorie de la qualité et la catégorie de la quantité ; l’accroissement d’une qualité est assimilable à l’augmentation d’une quantité. Il en tire ce corollaire de si grave conséquence : « l’intensité d’une qualité est susceptible de mesure, aussi bien que la grandeur d’une quantité ; » l’arithmétique calculera les latitudes de celle-là aussi bien que les degrés de celle-ci. Et il représente graphiquement, à l’aide de deux coordonnées rectangulaires, les variations d’une propriété mesurable ; même, il aperçoit l’équivalence « qui fait correspondre l’une à l’autre une certaine représentation graphique et une certaine relation algébrique entre les valeurs simultanément variables de la longitude et de la latitude. » En même temps et dans le même livre, il reconnaît la loi qui fait croître avec le temps la longueur du chemin parcouru par un mobile doué d’un mouvement uniformément varié, et la démonstration qu’il en donne est textuellement cette démonstration du triangle que retrouvera Galilée et qui deviendra si fameuse au cours du xviie siècle.

Les maîtres de Paris, enfin, rejettent la thèse d’Aristote que la grandeur infinie est irréalisable parce que contradictoire. Pour Buridan et Albert de Saxe, Dieu peut parfaitement produire une grandeur qui croisse au delà de toute limite, comme il peut indéfiniment diviser un continu quelconque en parties dont la grandeur finisse par tomber au delà de toute limite. Quelques-uns même, tel Grégoire de Rimini, veulent que Dieu puisse créer un volume absolument et infiniment infini…

III. — quelle fut l’origine de la science parisienne ? (1049-1377)

Les hommes qui ont lancé de telles idées, à la même époque (1277-1377), dans la même université (Paris), peuvent ne les avoir pas aperçues toutes ensemble ; ils peuvent avoir conservé dans leur système telle ou telle notion chère à Aristote ; ces révolutionnaires de la pensée peuvent nous apparaître tout d’un coup étrangement timides et péripatéticiennement conservateurs : le fait n’a rien qui doive surprendre, ni qui puisse tromper. Les plus puissans novateurs payent souvent un invo-