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dû porter la Garde impériale. » La configuration du terrain ne permettant pas de la disposer en ligne profonde derrière Saint-Privat, on aurait pu l’établir en première ligne à la lisière du bois de Jaumont et une seconde ligne trouverait un point d’appui dans l’occupation du Vémont, qui offrait des vues avantageuses à l’artillerie et était difficilement abordable. Sa droite, ainsi appuyée, fût devenue aussi solide que son front. Bazaine au contraire établit ses réserves sur sa gauche, c’est-à-dire fortifie la partie de sa position naturellement la plus forte, el que l’ennemi n’eût pu aborder, même si le 2e corps d’armée eût été culbuté, sans être exterminé par les feux croisés des remparts et du fort Saint-Quentin. C’était méconnaître les évidences stratégiques les plus élémentaires. Lorsqu’on veut se servir avec rapidité de ses réserves au cours d’une action, on ne les place pas à l’extrémité d’une longue ligne adossée à des pentes abruptes couvertes de bois de manière à les obliger à une marche de flanc scabreuse en un terrain difficile.

Poussant au delà de toute mesure la préoccupation exclusive de l’idée fixe, Bazaine avait établi son quartier général à Plappeville, d’où il ne perdait rien de ce qui se passait à sa gauche, mais où ce qui se passerait à Saint-Privat lui échapperait absolument. Il y arriva vers midi. Il s’installa dans la maison du maire de Metz, Bouteiller, avec ses dépêches et ses cartes. Il y reçut la note suivante du général Soleille : « Je viens de visiter l’arsenal de Metz. Les ressources sont en quelque sorte nulles pour le réapprovisionnement de l’armée et il n’a pu fournir que 800 000 cartouches d’infanterie. Il demande avec instance que des approvisionnemens soient envoyés par la voie de Thionville dans la journée de demain. Le maréchal Bazaine doit faire surveiller cette voie par de la cavalerie pendant la journée. Prévenir de l’arrivée à Thionville. »

A cette note était joint un commentaire encore plus pessimiste : « Les consommations de la journée du 16 août ont été énormes ! L’armée est dans une pénurie de munitions inquiétante. Demain matin, seront distribuées 836 766 cartouches, la place en conservant pour elle un million. On ne peut compter sur la fabrication locale des cartouches, les élémens de fabrication manquant ont été demandés au ministre. On lui a demandé également d’envoyer demain sur Thionville un grand approvisionnement de cartouches et de munitions d’artillerie. Il y a