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Jean de Luna, l’archevêque Raymond de Tolède et ses traducteurs, Hermann le Dalmate et Gérard de Crémone, Michel Scot, enfin, font passer de l’arabe en latin les œuvres d’Averroès, de Ptolémée et d’Aristote, les chrétiens d’Occident se courbent sous le joug que leur apporte l’Islam. Bien qu’ils voient les contradictions que l’expérience inflige au péripatétisme, les Albert le Grand et les Thomas d’Aquin, les Guillaume d’Auvergne et les Robert Grossetète eux-mêmes, les Bonaventure et les Bacon n’osent pas renoncer aux sphères homocentriques d’Al Bitrogi, d’Averroès et d’Aristote ; ils rejettent unanimement les excentriques et les épicycles de Ptolémée.

II. — quelles sont les idées essentielles de la science parisienne (1277-1377)

Puis, brusquement, en moins de cent années, l’empire qu’exerce Aristote s’effondre. En 1277, l’évêque de Paris, Étienne Tempier, condamne les thèses principales de sa physique, en même temps que ses dogmes métaphysiques ; en 1377, le chanoine de Rouen, Nicole Oresme (bientôt promu évêque de Lisieux) écrit un Commentaire au Traité du Ciel, où se lit une réfutation catégorique de l’astronomie du Lycée. Ces deux dates circonscrivent avec exactitude le siècle mémorable où s’élabore, sur les ruines de la Science aristotélicienne, la Science parisienne.

Cherchons d’abord à en déterminer les caractères ; nous verrons ensuite à en éclairer l’origine.

À l’encontre d’Aristote, les maîtres de l’Université de Paris enseignent les théories ptoléméennes des épicycles et excentriques, dont Bernard de Verdun a résolu les difficultés, — et que le seul objet des hypothèses scientifiques est de sauver les apparences, c’est-à-dire d’expliquer chaque phénomène constaté. La valeur de ces hypothèses, disent-ils, découle et dépend de leur rapport à l’expérience, non point du tout de leur rapport aux propriétés des essences. Ce n’est pas à la métaphysique à fonder la science. « Il suffit à l’astronome, déclare Jean de Jandun lui-même, de savoir ceci : si les épicycles et les excentriques existaient, les mouvemens célestes et les autres phénomènes se produiraient exactement comme ils se produisent ;… l’astronome n’a pas à se soucier du pourquoi (unde) ; pourvu qu’il ait le moyen de déterminer exactement les lieux et les mouvemens des pla-