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religion libérale. Eux l’avaient réclamée, lui a voulu la réaliser.

Avaient-ils été sincères ? et leur impérial disciple l’a-t-il été ? Bien des historiens ont témoigné à cet égard une défiance qui peut s’expliquer, mais qui ne nous paraît pas justifiée.

Il faut bien avouer que la tolérance si solennellement promise dans l’édit de Milan n’a pas été de longue durée : à peine l’équilibre avait-il été obtenu qu’il s’est rompu de nouveau, en sens inverse cette fois. Constantin, après avoir restitué les biens de l’Église chrétienne, s’est approprié ceux des temples païens ; après avoir autorisé le libre exercice du culte jadis proscrit, il a menacé des sanctions légales le culte jadis triomphant. Est-il passé de la menace à l’exécution ? ses biographes ne sont pas d’accord là-dessus, mais ses fils du moins franchissent ce pas décisif : ils font fermer les temples, interdisent les sacrifices, punissent de mort et de confiscation les païens qui contreviendront à cette défense et les gouverneurs de provinces qui ne la feront pas respecter. Et, s’il est vrai que les habitudes tyranniques de l’autorité impériale sont pour beaucoup dans ces actes de rigueur, on ne peut nier que l’opinion chrétienne ne les approuve et ne les encourage. Dans la série des écrivains ecclésiastiques, Firmicus Maternus vient tout de suite après Lactance : or qu’on se rappelle ce qu’écrivait Lactance à la veille du triomphe de Constantin, et qu’on y compare les exhortations de son successeur aux empereurs Constant et Constance. L’appel au bras séculier contre le paganisme n’y est aucunement dissimulé : « Il faut couper le mal dans sa racine, le détruire, le corriger par les lois les plus sévères, afin que le monde romain ne soit pas plus longtemps souillé par cette erreur mortelle. » À l’appui de cette thèse radicalement intolérante, l’auteur ne néglige aucun argument subsidiaire, — ni celui de la tradition : il rappelle l’antique répression des Bacchanales, « ce supplice digne de la grandeur romaine ; » — ni celui du droit divin des rois : « Dieu ne vous a confié l’empire que pour guérir cette plaie ; » — ni celui de l’intérêt bien entendu des coupables : « Secourez ces malheureux, sauvez-les de la mort ; les malades ne se plaisent qu’à ce qui leur nuit ; » — ni même celui du profit matériel que le gouvernement trouvera dans les mesures proposées : « Enlevez sans crainte les ornemens des temples ; envoyez les dieux à la Monnaie, faites-les fondre, et servez-vous-en. » Nobles ou bas, subtils ou grossiers, tous les motifs de persécution sont entassés