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répétitions, à lui seul, prouve sa forte intention libérale : il est bon cependant d’examiner plus attentivement ses déclarations pour voir sur quoi se fonde son initiative, d’où elle provient, et quelle en est enfin la sincérité.

Un fait a frappé tous les historiens qui ont lu ce fameux édit, soit dans la rédaction latine qu’en a conservée Lactance, soit dans la rédaction grecque transmise par Eusèbe : c’est la place toute particulière qu’y occupe le christianisme. Il est seul nommé parmi toutes les religions qui existent alors, et qui ne sont désignées que par des expressions abstraites et collectives. C’est à lui seul que se rapportent les mesures d’exécution spécifiées à la fin du décret : restitutions d’églises, de cimetières, etc. On dirait même, si l’on devait prendre au pied de la lettre une phrase fort curieuse, que la tolérance accordée aux autres cultes n’est qu’une conséquence de celle dont vont bénéficier les chrétiens. Bref, l’édit tout entier semble fait uniquement en vue du christianisme. — Ce n’est cependant pas une raison pour conclure, dès maintenant, qu’il est l’œuvre d’un fervent chrétien : les caractères que l’on y remarque peuvent s’expliquer d’autre façon. Si le christianisme est seul appelé par son nom, c’est que seul jusqu’alors il a été l’objet de poursuites légales. Si l’on ne statue que sur les biens de l’Église chrétienne, c’est que seuls ils ont été confisqués. Et quant à la phrase où Constantin prend soin d’avertir les gouverneurs de provinces que la liberté concédée aux chrétiens l’est aussi aux fidèles des autres cultes, nous croyons qu’elle a été inspirée par le désir, très respectable, de prévenir une confusion possible. On était tellement peu habitué a l’idée de tolérance que les magistrats impériaux devaient être convaincus qu’ils feraient plaisir au nouveau gouvernement, non seulement en cessant de poursuivre les chrétiens, mais en se mettant à inquiéter leurs anciens persécuteurs. Du moment que l’autorité n’était plus contre le christianisme, elle allait forcément être contre le paganisme, et il fallait se hâter de la suivre dans cette volte-face : qu’elle put n’être contre personne, c’était une conception trop neuve, trop hardie, pour être intelligible aux fonctionnaires d’alors. Constantin, qui les connaissait bien, a voulu les mettre en garde contre toute méprise ; il a tenu à leur rappeler que la cessation des hostilités contre un parti n’entraînait pas la déclaration de guerre au parti adverse. Et cette phrase, qui peut paraître au premier abord la plus strictement