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la position restait exceptionnellement forte, car le village de Saint-Privat, bien groupé, entouré de murs élevés, valait un poste fortifié ; mais sur le flanc, malgré un certain relief de terrain, elle n’avait aucun appui naturel jusqu’aux massifs impénétrables de la forêt de Jaumont ; elle était en l’air et exposée à être enlevée ou à être prise à revers par un mouvement tournant. Faiblesse d’autant plus grave que Saint-Privat était la clef de la position, le dernier débouché par où l’armée pût s’échapper vers la Meuse et Verdun, puisque sur son prolongement se trouvait la seule route qui reliât encore l’armée au reste de la France.


VIII

Canrobert avait eu un coup d’œil juste en demandant à Bazaine de ne pas s’arrêter à Vernéville et de venir s’établir à Saint-Privat. A Vernéville, il eût apporté au 4e corps d’armée un appui dont celui-ci n’avait pas besoin, comme l’a prouvé sa résistance, et Saint-Privat, laissé sans défense, fût tombé aux mains des Allemands d’où ils auraient fait plus de mal au 4e corps que Canrobert ne lui eût fait de bien en demeurant à Vernéville. La position d’Amanvillers était intenable, si elle était prise en flanc par une armée allemande établie à Saint-Privat et maîtresse des hauteurs entre Saint-Privat et Amanvillers. Tant que nous restions les maîtres de Saint-Privat, les Allemands ne pouvaient songer à une attaque heureuse sur notre centre, à Amanvillers. Dès que les Allemands s’en emparaient, Amanvillers tombait et nous étions en déroute. Se maintenir atout prix à Saint-Privat devait donc être le but principal de la défensive française, comme s’en emparer coûte que coûte devait être l’objectif de l’attaque allemande. Rendre inexpugnable Saint-Privat qui était point faible, devait donc être la préoccupation du chef de l’armée française.

Bazaine ne laissa pas Canrobert à l’abandon : il renforça son artillerie par deux batteries de 12, deux compagnies de génie de la réserve et pourvut ses caissons. Il lui envoya de plus la division Clérembault du 3e corps d’armée et la brigade de cavalerie Bruchard. Le 6e corps aurait dû, plus encore que les autres, accroître sa résistance par des travaux rapides de fortification passagère. « Ces ouvrages, d’après Napoléon, doivent être construits