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et privés est tout à fait d’accord avec les habitudes de la législation latine. Que les hommes d’Etat romains, à peu près indifférens à ce qui se passait dans l’intérieur des domiciles particuliers, aient été plus attentifs, — ce qui ne veut pas dire plus hostiles, — aux cérémonies extérieures, rien n’est plus probable, et c’est une première différence à noter.

Il en est d’autres, et surtout entre les diverses religions étrangères avec lesquelles Rome s’est successivement trouvée en contact. Celles de l’Italie centrale, — Latium, Sabine, Etrurie même, — se sont de si bonne heure et si bien incorporées à la sienne propre, qu’il nous faut aujourd’hui un vigoureux effort d’analyse pour les en séparer : celles-là ont dû être accueillies sans réserve, et nous ne voyons pas que leurs sectateurs aient jamais été inquiétés ; si des divinités comme la Junon de Véies ou la Diane d’Aricie n’ont été admises que sur l’Aventin, hors du territoire de la Rome primitive, et non dans l’enceinte consacrée, ç’a été l’effet d’un scrupule religieux, mais non pas d’une hostilité défiante. Tous ces cultes ont été plus que tolérés par l’Etat romain : il les a adoptés, se les est appropriés avec empressement. On peut en dire autant de la religion grecque : les dirigeans de Rome lui ont offert une hospitalité très large ; ils ne se sont pas du tout opposés à ce travail de syncrétisme qui a fini par identifier les dieux latins et les dieux helléniques.

Parmi les cultes de la Grèce, un seul, — pour des raisons sur lesquelles il nous faudra revenir, — a été l’objet de mesures prohibitives : c’est le culte de Bacchus ; mais il importe de noter que, dans la Grèce même, il avait déjà un caractère spécial, mystique, extatique, et un peu inquiétant ; il était, plus que tout autre, chargé d’influences étrangères, presque autant oriental que grec. Et par lui nous touchons à ces religions beaucoup plus exotiques, à celles de la Phrygie ou de l’Egypte, qui ont dû être jugées par les Romains dignes d’une vigilance particulière, car, sans les proscrire d’une façon générale, ils se sont quelquefois départis envers elles de leur tolérance ordinaire, et c’est contre elles seules, — si l’on excepte l’affaire des Bacchanales, — que nous voyons l’autorité sévir de temps en temps dans les deux derniers siècles de la République.

Toutefois, même au sujet de ces interdictions exceptionnelles, deux remarques s’imposent. En premier lieu, qu’il