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que l’empire romain, — et qui a traversé une si longue histoire,-— mille distinctions sont nécessaires : l’attitude envers les cultes dissidens n’a pas pu être identique dans toutes les provinces, ni dans tous les siècles, ni à tous les étages de la société, ni chez tous les souverains. N’oublions pas enfin que les Romains n’ont pas été amateurs de « principes, » ni de « théories. » Ils ont agi beaucoup plus que pensé, et nous ne devons pas nous attendre à trouver chez eux des déclarations retentissantes sur les « droits » ou les « libertés » de la personne humaine en matière d’opinion. C’est dans les faits que nous devons essayer de découvrir leur conception des rapports entre l’État et la religion, — conception qui est peut-être trop confuse et incohérente pour se laisser ramener à une définition bien nette, — mais qu’en tout cas il importe de regarder de près et en détail.


I

Si nous remontons jusqu’aux origines de l’État romain, deux faits nous frappent, deux faits opposés, dont le contraste est à retenir : d’un côté, dans cette période primitive, — telle du moins que nous pouvons la connaître, — la question des relations et des conflits possibles entre la vie religieuse et la vie politique ne se pose pas ; — mais, d’un autre côté, on pressent les causes inévitables qui vont bientôt la poser.

Elle ne se pose pas encore, par la bonne raison que les deux élémens entre lesquels elle surgira ne sont pas alors distincts l’un de l’autre, mais se pénètrent intimement. Toutes les institutions, politiques aussi bien que domestiques, ont, si l’on peut dire, leurs racines baignées et nourries par la religion. Les gouvernans, rois ou consuls, sont prêtres en même temps que juges ou chefs d’armée, ou plutôt, c’est en tant que prêtres qu’ils sont chefs d’armée et juges. Aucun acte de la vie publique ne se produit sans être entouré de cérémonies et de sanctions religieuses, et, réciproquement, aucun acte important de la vie religieuse ne s’accomplit sans que la puissance publique y veille et s’y associe : elle intervient, par exemple, dans les rites privés du mariage, elle assure la célébration perpétuelle des sacrifices familiaux, tant elle considère que le devoir du fidèle et celui du citoyen ne font qu’un. Un individu assez insensé pour rompre le lien