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première fois, bien avant l’édit de Nantes, bien avant la Déclaration des droits de l’homme, a été inscrite la liberté de conscience et de culte : « Nous avons résolu d’accorder aux chrétiens et à tous les autres la faculté de pratiquer la religion qu’ils préfèrent... Il nous a paru que c’était un système très bon et très raisonnable de ne refuser à aucun de nos sujets, qu’il soit chrétien ou qu’il professe un autre culte, le droit de suivre la religion qui lui convient le mieux. » Peu importe qu’en écrivant ces paroles Constantin ait eu des mobiles assez éloignés de ceux qui agiraient sur un chef d’Etat de nos jours ; peu importe que ses successeurs, que lui-même déjà peut-être les ait démenties : ce n’en sont pas moins de belles paroles, et le jour où elles ont été prononcées devrait être salué par tous, croyans ou libres penseurs, avec un égal respect.

La meilleure manière de célébrer cet acte mémorable, pour un historien impartial, est peut-être d’en faire ressortir l’originale nouveauté en le comparant à l’état de choses antérieur, et c’est ce que nous voudrions essayer de faire ici. Nous en avons, au surplus, un autre motif : la publication récente d’un livre, aussi suggestif qu’érudit, sur cette question tant de fois discutée des rapports entre l’Empire romain et l’Église chrétienne. Sous le titre, peut-être un peu général, de l’Intolérance religieuse et la politique, l’un des hommes les plus versés dans la connaissance des religions antiques et dans celle des institutions romaines, le savant professeur d’histoire ancienne de la Sorbonne, M. Bouché-Leclercq, a en réalité composé un tableau de la politique impériale des quatre premiers siècles en matière cultuelle, tableau précis, clair, vivant, parfois dramatique, qui instruit et qui fait penser ceux mêmes qu’il ne convainc pas entièrement. On y retrouve toutes les qualités qui ont depuis longtemps assuré à M. Bouché-Leclercq une maîtrise incontestée : une information impeccable, une critique judicieuse et fine, une probité, tant morale qu’intellectuelle, à toute épreuve, un style grave et vigoureux, relevé par endroits d’une pointe d’humour. Ces remarquables dons d’historien, que connaissent depuis longtemps tous les lecteurs de M. Bouché-Leclercq, sont mis cette fois au service d’une « thèse » qui mérite de retenir l’attention et, sans doute, de soulever la discussion.

Si nous ne nous trompons, cette thèse a été suggérée à son auteur par deux sentimens qui peuvent sembler se contredire,