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« Durant toute la journée, a écrit Hohenlohe, l’infanterie allemande avait lutté contre un ennemi quatre fois, trois fois plus fort ; dans ces attaques héroïques et sanglantes, elle avait perdu presque tous ses chefs ; elle était en quelque sorte émiettée, réduite en poussière ; malgré les renforts arrivés le soir, elle n’était pas de moitié aussi forte que l’ennemi ; celui-ci disposait d’un nombre de troupes intactes n’ayant pas tiré un coup de fusil, plus considérable que n’était l’ensemble des corps d’armée prussiens désagrégés et épuisés par la lutte. Si le 17, à la pointe du jour, Bazaine avait fait exécuter, par toutes ses réserves intactes, une attaque en masse, elles auraient remporté, sans nul doute, un succès sur l’armée prussienne inférieure en nombre et épuisée par la lutte de la veille[1]. »

Après la guerre, dans les conversations échangées entre officiers français et officiers allemands, la première interrogation des Allemands était presque toujours celle-ci : « Pourquoi n’avez-vous pas recommencé le 17 août ? »


La retraite sur les lignes d’Amanvillers, protégée par la division Metman, s’opéra à peu près bien. A mesure que les troupes défilaient, on leur distribuait leur part de deux millions de rations de biscuit et de 650 000 rations de sel. Lorsque le dernier corps d’armée fut approvisionné, les intendans, craignant que ce qui restait ne tombât aux mains de l’ennemi, le firent jeter dans un ravin et y mirent le feu. Le même sort eût été réservé à un million de rations de biscuits et autres approvisionnemens venus de Metz à la première heure, si l’intendant Préval, informé à temps de notre reculade, n’eût, par une conversion à droite, dirigé son convoi de cinq cents voitures sur Plappeville.

Ladmirault avait exténué ses troupes pendant la nuit ; il les avait tirées de leur sommeil et leur avait fait parcourir à travers champs les quatre ou cinq kilomètres qui séparaient leurs bivouacs de Doncourt. Elles auraient été hors d’état de rompre à quatre heures. Du reste, l’ordre de Bazaine ne leur parvint que dans la matinée vers neuf heures[2]. Le départ général fut alors fixé à midi. Inquiété par la nouvelle que l’ennemi allait le harceler,

  1. Lettres sur la cavalerie, traduction Jaeglé, p. 29.
  2. A neuf heures seulement, l’avant-garde du IXe corps se met en marche de Novéant sur Ars. A neuf heures et demie, la tête de colonne du XIIe corps arrive à Xonville.