nombre, sur ce qu’il avait devant lui ou sur ses flancs ? Cette stratégie à la Napoléon a été depuis découverte, étudiée, préconisée par nos critiques militaires[1]. Précisément parce que c’était une stratégie à la Napoléon, si elle était pleine de promesses heureuses, elle était pleine aussi d’imprévu et difficile à exécuter, et le 17 août, dans l’armée du Rhin, personne, absolument personne n’en eut le soupçon.
Au contraire, un plan facile s’offrait qui répondait au désir ardent de tous les chefs de l’armée et de l’armée elle-même, de recommencer le lendemain une action quelconque. Ce plan était celui que Bazaine naguère avait indiqué à Wolf dans la nuit du 15 au 16 août : ne pas abandonner les positions qu’on occupait le 16 et, les troupes alors suffisamment reposées, passer, dès les premières heures du jour, à une offensive résolue, opérer une conversion à gauche, attaquer l’ennemi, le refouler dans les ravins de Gorze, puis de là sur la Moselle. Les troupes d’Alvensleben, du IIIe corps, du Xe, même du VIIe et du VIIIe, malgré leur vaillance, étaient hors d’état de résister au choc impétueux des deux corps de Ladmirault et de Le Bœuf, qui étaient restés les bras croisés toute la journée du 16, et des autres corps qui avaient repris haleine. Elles auraient été refoulées, à travers les vallées et les ravins, sur la Moselle et les troupes en marche vers elles auraient partagé leur sort. Elles arrivaient péniblement, séparées les unes des autres par des routes sinueuses, sous un soleil brûlant, laissant derrière elles leurs munitions, leurs approvisionnemens, exténuées, à la discrétion de nos chassepots, et ne pouvant pas déployer, dans de pareils terrains, leur artillerie ; quelques-uns des habitans du pays m’ont décrit leur accablement.
L’art de la guerre n’existerait pas si on ne trouvait pas dans ses secrets le moyen de profiter à coup sûr d’une occasion aussi propice. Même si elle n’avait pas réussi, une défaite n’eût pas eu de conséquences irréparables, puisqu’on avait derrière soi le camp retranché de Metz. Le succès, au reste, était aussi certain que le peut être un fait qui ne s’est pas produit, et les Allemands n’en doutaient pas. « Si les Français, écrivait Gœben, dirigeaient une attaque sur notre aile gauche, où nous n’avons plus que des essaims épars d’infanterie, sans munitions, tout serait culbuté[2]. »