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avait adoptée, il n’avait qu’à rester immobile et à attendre. Cette conduite s’explique par une erreur fondamentale de jugement qu’il importe de bien mettre en relief.

Dans la journée de Rezonville, quoi qu’on en ait dit et quoi qu’il ait dit lui-même dans des réponses irréfléchies au Duc d’Aumale, il résulte de ses actes impartialement pesés qu’il n’a pas subordonné ses manœuvres de combat à la préoccupation de ne pas se séparer de Metz. Il est resté attaché à la pensée qu’il poursuivait depuis le 13 août : gagner au plus tôt Verdun. A partir du 17 août, il se détache de Verdun qu’il croit impossible à atteindre, malgré l’espérance qu’il en témoigne, dans ses dépêches. Dans son esprit, peu à peu se forme, grossit, devient dominante la conviction que le salut de son armée exige qu’à tout prix, il ne se sépare pas de Metz. En cela il faisait preuve de jugement.

La première partie du plan de Moltke de le couper de Châlons était réalisée par la bataille de Rezonville. — S’il laissait « accomplir la seconde partie qui était de le séparer de Metz, il était irrévocablement perdu. Enveloppé par les trois armées prussiennes, c’est-à-dire par plus de cinq cent mille hommes, ses cent vingt-cinq mille hommes étaient obligés de mettre bas les armes ou de s’enfuir en Belgique. Mais ne pas se séparer de Metz ne signifiait pas qu’on s’y enfermerait : être enfermé dans le camp retranché de Metz, c’était l’investissement et tôt ou tard la capitulation par le bombardement ou par la famine ; car il est peu d’exemples qu’une armée investie ait pu se dégager, si sa captivité n’était pas brisée par une armée de secours. Il était donc aussi impérieusement commandé de ne pas se laisser enfermer dans le camp de Metz que de ne pas s’en séparer. Et le seul moyen d’atteindre ce double but était de se cramponner aux lignes d’Amanvillers, de les défendre jusqu’à extinction de son dernier soldat et de jouer là la partie décisive de son dernier combat. Voilà ce que Bazaine n’a pas compris. Il n’a pas sérieusement défendu les lignes d’Amanvillers.

Indépendamment de tout avertissement, l’inspection du terrain indiquait que les Prussiens ne chercheraient pas la solution de leur offensive dans une attaque sur notre gauche et sur notre front, dont ils savaient aussi bien que nous l’inexpugnabilité et qu’ils essaieraient d’enlever notre droite par leur manœuvre habituelle, le mouvement tournant. Cette indication que fournissait