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« un feu d’enfer, » contre les batteries allemandes de Gravelotte. La nuit était noire, le village de Gravelotte brûlait, les éclairs des mille détonations des bouches à feu et des projectiles sillonnaient le ciel. L’artillerie prussienne répondit. Aucune des deux ne produisit d’effet sur l’autre, mais les Allemands étonnés crurent à un mouvement offensif de tout notre centre et n’eurent pas l’idée d’inquiéter les 2e et 3e corps d’armée, qui purent s’écouler sans désordre le lendemain au point du jour[1].


X

Le maréchal Bazaine quitta Plappeville pendant la nuit sans prévenir personne. Son état-major le suivit à Metz.

Le 19, Bazaine rédige son rapport à l’Empereur : il ne l’expédie que le lendemain 20 à trois heures de l’après-midi :

« L’armée s’est battue hier toute la journée sur les positions de Saint-Privat-la-Montagne à Rozérieulles et les a conservées (!). Les 4e et 6e corps ont fait, vers neuf heures du soir, un changement de front, l’aile droite en arrière, pour parer à un mouvement tournant de la droite que des masses ennemies tentaient d’opérer à l’aide de l’obscurité. Ce matin, j’ai fait descendre de leurs positions les 2e et 3e corps, et l’armée est de nouveau groupée sur la rive gauche de la Moselle, de Longeville au Sansonnet, formant une ligne courbe passant derrière les forts de Saint-Quentin et de Plappeville. Les troupes sont fatiguées de ces combats incessans qui ne leur permettent pas les soins matériels et il est indispensable de les laisser reposer deux ou trois jours. Le roi de Prusse était ce matin à Rezonville avec M. de Moltke, et tout indique que l’armée prussienne va tâter la place de Metz. Je compte toujours prendre la direction du Nord et me rabattre ensuite par Montmédy sur la route de Sainte-Menehould à Châlons, si elle n’est pas fortement occupée ; dans le cas contraire, je continuerai sur Sedan et même Mézières pour gagner Châlons. »

N’est-il pas superflu de démontrer combien cette dépêche ne rend pas la réalité ? Elle représente comme volontaire et ne constituant qu’une simple évolution tactique, la débâcle très peu volontaire de Canrobert et la retraite des 3e et 4e corps qui

  1. Conférence du général Lebon.