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il affirme que nous tenions nos positions, que la bataille n’était pas perdue, mais qu’elle était à recommencer le lendemain matin. Le commandant ne laisse pas subsister cette espérance. Il raconte (9 h. 1/4e d’un ton désolé que le 6e corps avait abandonné complètement sa position, qu’il avait défendue toute la journée et que la droite du 4e avait dû suivre ce mouvement. Ils venaient demander au commandant en chef de leur assigner d’autres positions. Le maréchal écouta sans laisser paraître ni émotion ni surprise. Il dit : « Ne vous désolez donc pas ; ce qui sera fait ce soir aurait été fait le lendemain. Vous le faites douze heures plus tôt ; les Prussiens ne pourront pas se vanter de nous avoir fait reculer. »

Une dépêche de l’Empereur l’interrompt. Elle lui demande s’il faut maintenir à Verdun les immenses approvisionnement qui l’attendent. Il répond : « J’ignore l’importance des approvisionnemens de Verdun[1] ; je crois qu’il est nécessaire de n’y laisser que ce dont j’aurai besoin si je parviens à gagner la place. J’arrive du plateau, l’attaque a été très vive ; en ce moment, sept heures, le feu cesse. Nos troupes sont restées constamment sur leurs positions (!). Un régiment, le 60e, a beaucoup souffert en défendant la ferme de Saint-Hubert. — Metz, 18 août, sept heures cinquante du soir. » Canrobert n’eût pas été d’avis que les troupes étaient restées sur leurs positions. Et Bazaine libelle un ordre général de retraite à tous les chefs de corps (8 h. ou 8 h. 1/2).


IX

Mais cette retraite n’avait pas attendu son ordre. Celle de Canrobert était en train ; celle de Ladmirault ne tarda pas à la suivre. Quoique son flanc droit fût découvert par la disparition du 6e corps d’armée, Ladmirault tenta l’impossible pour différer l’inévitable. Le Bœuf, dont aucune attaque n’avait ébranlé la solidité, retarda un moment la catastrophe par l’envoi du brave Saussier.

Le prince Frédéric-Charles n’eût pas voulu devoir la possession

  1. Il oublie un télégramme du 16 août, reçu à 2 h. 05 du soir, du ministre lui annonçant la présence à Verdun de 600 000 rations de biscuit en outre du pain, de la farine et de l’avoine. Le 17, il en avait reçu un autre disant l’arrivée de 1 500 000 cartouches et de 8 000 coups de quatre. « La place est bondée de biscuit. »