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vue d’un nouveau recul vers Metz. Il aperçoit vers six heures et demie, du côté de Saint-Privat, des nuages de poussière qui semblent indiquer qu’on se bat par là et il voit passer au grand trot la réserve d’artillerie de la Garde appelée par Bourbaki. « Il y a de l’émotion à droite, dit-il à l’aide de camp du général Pé de Arros, mais votre présence rétablira la situation. » Il examine le mécanisme de quelques bouches à feu, en fait pointer quelques autres dans le vide.

Il remonte à cheval, quitte le mont Saint-Quentin, et va voir ce qui se passe sur la route de Thionville. Il traverse les bivouacs de la réserve d’artillerie, dont les chevaux ne sont même pas garnis, et les batteries de la Garde qui ne sont pas attelées. Au col de Lessy, il rencontre le capitaine de Beaumont, qui ne comprend pas ce qu’il lui dit et va le répéter de travers, puis il rentre à Plappeville, à sept heures du soir, au moment même où Saint-Privat est en feu, Canrobert en déroute. Il dit à Jarras qu’il est satisfait de la journée ; ses troupes se sont maintenues derrière leur ligne inexpugnable.

Dans sa pérégrination, un nouveau changement s’était opéré dans son esprit. Le matin, il considérait le recul dans Metz comme un en-cas de défaite. Maintenant, il croit que c’est une mesure de prudence exigée, même si l’on a pu conserver ses positions sur toute la ligne. Sans réfléchir, ni consulter qui que ce soit, il arrête que : tous les corps coucheront sur leurs positions et effectueront leur retraite le lendemain matin. Les bagages partiront dans la nuit à trois heures. Les troupes suivront à quatre heures et demie, sauf la réserve d’artillerie, qui attendra jusqu’à onze heures. Il charge le colonel Lewal de rédiger des instructions dans ce sens ; il se remet à son tableau d’avancement et, ne voulant pas être troublé, il condamne sa porte.

Il ne tarde pas à être obligé de l’ouvrir : les mauvaises nouvelles affluent. Le commandant Caffarel, aide de camp de Canrobert, le capitaine de La Tour du Pin, aide de camp de Ladmirault, puis le commandant Lonclas, aide de camp aussi de Canrobert, surviennent successivement. Le commandant Caffarel annonce de la part de Canrobert qu’ayant épuisé ses munitions et qu’étant entouré de troupes considérables, écrasé d’obus dans Saint-Privat, il a été obligé de l’évacuer et de prendre ses dispositions pour faire sa retraite. La Tour du Pin est moins pessimiste :