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étaient demeurées sans chef. Ainsi dans le corps de Frossard une compagnie était commandée par un caporal. Il fallait combler les vides et recréer un commandement normal. Cependant le tableau d’avancement ne détourne pas son attention du champ de bataille. Il ne s’inquiète pas de sa droite : Canrobert était là ; il connaissait ses intentions et un tel chef l’affranchissait de toute préoccupation. Il était au contraire extrêmement attentif à ce qui se passait à sa gauche, placée sous son commandement direct, et où, selon lui, devait se décider l’issue de la journée, par la victoire ou la défaite de l’offensive allemande.

Il charge le colonel Melchior, chef d’état-major de l’artillerie de la Garde impériale, d’envoyer des sous-officiers intelligens au fort de Saint-Quentin, afin d’examiner la plaine de la Moselle et de rendre compte des mouvemens de l’ennemi. Il n’a pas la même préoccupation de ce qui se passe à sa droite, car il se flatte que là le combat ne sera pas à fond, et ce sont des officiers de Canrobert, le lieutenant de Bellegarde et le capitaine de Chalus, qui lui apportent, de la part de leur chef, des nouvelles qu’il ne sollicite pas. Ils annoncent que Canrobert est vivement engagé, qu’il réclame des munitions, des canons et un régiment. Bazaine fait expédier du parc de Plappeville des obus et des cartouches. Quant au régiment, il allait le mettre en marche quand survient l’avis d’un général dont on n’a pas divulgué le nom, que tout allait bien au 6e corps. Alors il retint le régiment. Mais il avertit Bourbaki que le 6e corps était attaqué (1 heure).

Les sous-officiers envoyés à Saint-Quentin revinrent entre une heure et trois heures rapporter que des masses considérables passaient la Moselle et montaient par la vallée de Gorze : c’était en effet le IIe corps allemand qui, depuis le matin, parti de Pont-à-Mousson, gagnait Rezonville. Ils échangeaient des signaux avec les troupes prussiennes restées sur la rive droite et celles agissant sur les hauteurs. Bazaine reçut en outre des télégrammes inquiétans du poste du clocher de la cathédrale. Il se persuade que toute la bataille est de ce côté. Il interrompt son tableau d’avancement, monte à cheval (2 h. 1/2), Jarras lui propose de l’accompagner ; il le remercie. Il trouve plus urgent qu’il travaille à la reconstitution des cadres, puis, suivi de quelques officiers, il se rend au fort Saint-Quentin, au pas, car les douleurs de sa contusion, ravivées par la fatigue de la journée