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journée, l’esprit de Bazaine est resté actif, éveillé. Il commence par se donner de l’air, en écartant l’obligation de diriger l’armée de Mac Mahon en même temps que la sienne. Il n’avait pas encore répondu à la dépêche qui lui demandait d’expédier des ordres à Arcy-sur-Aube. De Paris, lettres, avis, intéressant Mac Mahon, le harcelaient. Il liquida cette situation obsédante par deux télégrammes. L’un, adressé à Mac Mahon, disait : « Je reçois votre dépêche ce matin seulement : je présume que le ministre vous aura donné des ordres, vos opérations étant tout à fait en dehors de ma zone d’action. Pour le moment, je craindrais de vous donner une fausse direction. » Au ministre de la Guerre il télégraphie : « J’ai l’honneur de faire observer à Votre Excellence que mes communications avec ces corps n’existent pas. Je n’ai aucun moyen de faire exécuter ces ordres ni de transmettre ces documens. Votre Excellence jugera sans doute opportun de ne plus m’envoyer cette correspondance et de la faire adresser directement aux intéressés. » Il rappelait au bon sens ceux qui en avaient manqué en lui imposant un commandement impossible à exercer de si loin.

Mac Mahon éliminé de son attention, il alla au plus urgent et assura minutieusement le ravitaillement de ses différens corps en vivres et en munitions et sur la plainte de Canrobert, qui dit n’avoir reçu ni vivres ni munitions, il prescrit d’écrire d’urgence aux commandans de corps d’armée « de donner l’ordre aux commandans d’artillerie d’envoyer prendre sur le plateau de Plappeville les munitions d’artillerie et d’infanterie qui leur sont destinées : je suis étonné qu’on ne mette pas plus de zèle dans l’accomplissement de mes ordres à cet égard, MM. les commandans de corps d’armée doivent stimuler le zèle de tous et chercher à exécuter un ordre donné dans le plus bref délai et avec tous les moyens possibles. » Il ne crut pas nécessaire de renouveler par écrit les instructions données par des officiers à Frossard, Le Bœuf et Ladmirault de tenir bon sur leurs positions. À Canrobert seul il les a données par écrit.

Il s’occupa ensuite d’un travail urgent : la formation d’un tableau d’avancement. Ce n’était pas une amusoire destinée à occuper le temps et à distraire de la lutte. Faire un tableau d’avancement, c’est-à-dire refaire des cadres, c’était tout simplement empêcher la dissolution de l’armée. Beaucoup d’officiers avaient été tués ou blessés, et un certain nombre d’unités