Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 16.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mars-la-Tour, car l’état-major allemand n’apprit que le 18 août notre changement de direction, et il était le 17 dans l’impossibilité de nous poursuivre. Mais le lendemain, les sept corps de la Ire et de la IIe armée eussent été jetés à nos trousses ; eussions-nous accompli, dans une fuite éperdue, des prodiges de vélocité et fait des étapes de plus de 40 kilomètres, les troupes prussiennes agissant, les unes sur nos derrières, les autres sur notre flanc, auraient talonné, débordé notre retraite, nous auraient obligés de cesser d’être des fuyards, pour redevenir des combattans et accepter encore une bataille, dont nous ne voulions pas. Les deux cent vingt-trois mille hommes de la IIIe armée auraient rejoint, et la catastrophe que prévoit, sur la route de Verdun, le général Bonnal, n’eût pas été moindre sur celle de Briey.


VI

Ayons le courage de voir la vérité et de la dire. Le 17 août, il n’était plus possible d’amener l’armée du Rhin à Châlons par Verdun et Briey. Il n’y avait qu’à y renoncer résolument, et à se décider, en prenant Metz comme base de manœuvre, à opérer sur les derrières de l’ennemi. La concentration de nos deux armées à Châlons, que la débâcle de Wœrth avait rendue impossible à Metz, était le moyen de relever nos affaires et de nous permettre de recommencer une nouvelle campagne. L’Empereur l’avait vu depuis le 8 août : à ce moment, elle se fût opérée comme une promenade. Mais il ne sut pas faire prévaloir sa volonté et n’y revint que tardivement, lorsque les Allemands étaient sur nos talons et que nous ne pouvions plus échapper à leur étreinte. Un général, Derrécagaix, sera encore ici notre autorité : « Notre retraite n’a commencé que le 14 août, tandis qu’elle aurait dû être abandonnée ou entreprise plus tôt ; au point de vue le plus impartial, c’est dans ce retard que réside, stratégiquement parlant, la faute capitale de l’armée française, celle qui a assuré à l’ennemi le succès complet de ses opérations des 14, 16 et 18. »

Bazaine doit donc être approuvé » d’avoir, le 17 août, renoncé à prendre, soit la route de Mars-la-Tour, soit la route de Briey. Il a été moins heureusement inspiré en ramenant notre armée sur la position défensive d’Amanvillers et en commençant sa manœuvre autour de Metz par une retraite qui ressemblait