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(8 heures). Ce même cri s’était entendu un instant à la droite prussienne.


V

Les instructions données à Steinmetz le 17 août et plusieurs fois réitérées, étaient de conserver une attitude expectante, jusqu’à ce que l’aile gauche de la IIe armée se fût assurée si les Français s’étaient retirés par le Nord ou s’ils faisaient mine de tourner vers Metz. Le 18 août, sa tâche principale devait être d’attirer sur lui les forces de l’adversaire, afin de donner libre carrière au mouvement décisif que la IIe armée allait poursuivre, de tenir Bazaine en perpétuelle inquiétude d’être attaqué à son aile gauche et de l’amener ainsi à immobiliser ses réserves derrière l’armée de Frossard jusqu’à ce qu’il ne fût plus temps de venir en aide à Canrobert. En vue d’atteindre ce but, il fut autorisé à employer son artillerie dès qu’on entendit vers Amanvillers le canon de Manstein. Cette artillerie, souffrant beaucoup du feu de nos tirailleurs, il avait envoyé à son secours des fractions des VIIe et VIIIe corps ; le VIIe n’était pas sorti de son rôle de protection, le VIIIe, excité au combat, s’était emporté au delà. Contrairement aux instructions de Moltke, Steinmetz commença une bataille offensive là où ne devait se produire qu’une bataille traînante.

Entre les deux armées, était creusé par la Mance un ravin profond, alors à sec, dont les berges escarpées étaient couvertes de taillis presque impénétrables et que traversait une route en remblai formant défilé. C’est sur les deux bords de ce ravin pris et repris, que s’acharneront les attaques et les contre-attaques. La bataille parut d’abord favorable au général téméraire. L’artillerie prussienne domina nos batteries du Point-du-Jour, brisa la résistance de la division Aymard, du corps d’armée de Le Bœuf ; l’infanterie pénétra dans la région boisée à l’Est de Gravelotte, enleva la ferme Saint-Hubert où le bataillon Molière avait tenu jusqu’à la dernière extrémité, perdant avec son chef la moitié de son effectif. Mais les Prussiens ne purent pousser plus avant. Leurs tentatives réitérées furent arrêtées par le feu meurtrier de notre infanterie établie sur les hauteurs et soutenue par nos mitrailleuses, mais nous ne réussîmes pas non plus à les faire rétrograder ni à reprendre la ferme, ni à faire