Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 16.djvu/256

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Ladmirault, le capitaine de La Tour du Pin et le capitaine de Pesme. Ladmirault appelle Bourbaki, il s’agit de compléter un succès en train. Bourbaki hésite, puis se décide et part, laissant son artillerie. A un certain point de la route, le champ de bataille se déploie devant lui. Furieux, il s’écrie : « Capitaine, ce que vous avez fait n’est pas bien. Vous m’aviez promis une victoire et vous me faites assister à une déroute ! Il ne fallait pas me faire abandonner des positions magnifiques pour m’amener dans ce défilé où la moindre attaque me détruirait ! Vous avez votre gauche dans le bois à droite, qui est déjà en pleine retraite sur Saulny, et je, n’ai pas une pièce d’artillerie pour appuyer le déploiement de ma colonne. Si je continue, je ferai assassiner mes grenadiers. » Et il commanda demi-tour. Ce retour en arrière produit une panique momentanée parmi les isolés du 4e corps. La colonne vient se reformer sur le plateau qu’elle avait quitté une heure auparavant. Mais Bourbaki, brave entre les braves, comprend que sa renommée est perdue si, ayant refusé de secourir Ladmirault, il contemple de loin, sur ses positions magnifiques, la déroute de Canrobert. Quoiqu’il n’ait reçu aucun des appels de celui-ci, il marche vers lui. Mais les Saxons l’avaient devancé.


IV

L’officier envoyé par Frédéric-Charles avait rejoint le commandant du corps saxon vers la forêt d’Auboué où il opérait sa Concentration. L’un et l’autre ignoraient l’holocauste de la Garde. Le messager je Frédéric-Charles n’eut pas à prier le prince Albert de hâter sa marche : il partait, non il est vrai sur Saint-Privat, mais sur Roncourt, où il supposait les Français. Si cette extension donnée à l’enveloppement causait une perte de temps, elle assurait le succès de l’opération. Mais un officier prussien, aussitôt après le désastre de la Garde, s’était élancé à la poursuite du corps saxon. Il en avait rejoint la fraction la moins avancée, et il avait supplié son commandant de ne pas continuer sur Roncourt, de tourner à droite, et d’aller à toute vitesse vers Saint-Privat. Le commandant n’hésite pas, fait le crochet à droite et se dirige sur Saint-Privat à toute vitesse. Il est bientôt rejoint par son corps tout entier. De Roncourt évacué, où le prince Albert ne nous avait pas trouvés, lui aussi a couru vers