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le 15 des abords Ouest de Metz sur Verdun, elle eût atteint cette ville sans encombre le 17, mais eût subi le 20 et le 21 entre Dombasle et Clermont un désastre pareil à celui qu’a essuyé l’armée à Sedan. » Après Rezonville, la prédiction de Bonnal se fût encore plus certainement accomplie.

Un autre général, Fay, nous le démontrera : « Je crois que nous ne pouvions pas continuer notre mouvement. Nous aurions réussi à passer le 16 août au soir, même le 17 au matin, car les premiers corps d’armée ennemis, arrivés ce jour-là sur le plateau (XIIe et Garde), n’étaient à Mars-la-Tour qu’à trois heures de l’après-midi ; mais, après avoir forcément sacrifié tous nos bagages, nous aurions éprouvé un grave échec les jours suivans ; nous aurions été très probablement rejetés vers le Nord, séparés du camp de Châlons, non encore reconstitué, et le but des marches du Prince royal ; enfin Metz aurait été enlevé plus tôt. »

Jarras constate que, parmi les hommes compétens, il en a rencontré fort peu qui exprimassent une opinion formelle en faveur de la continuation de la marche directe sur Verdun. « Je n’en ai cependant, dit-il, entendu aucun opiner en faveur du retour vers Metz. Le sentiment de beaucoup le plus répandu était qu’il convenait d’éviter une seconde grande bataille, si c’était possible, et que, par suite, il y avait lieu de conduire l’armée vers le Nord, en prenant une nouvelle direction par Briey et Longuyon, afin de gagner de l’avance sur l’armée allemande. »

Bazaine ne crut pas plus raisonnable de tenter l’aventure par Briey. « Il ne fallait pas songer à changer immédiatement d’itinéraire en prenant Briey pour objectif, puisque, par ce changement de colonne à droite, on aurait eu l’ennemi sur ses derrières et sur le flanc gauche. » Il eût pensé ainsi bien davantage s’il avait su le contentement que cette marche aurait apporté à Moltke, dont elle aurait comblé les vœux. « Rejeter vers le Nord les forces principales qui abandonnent Metz est chose décisive pour le résultat de la campagne. Plus le IIIe corps a d’adversaires devant lui, plus grand sera le succès demain quand on pourra disposer des Xe, IIIe, IXe, VIIIe, VIIe corps, peut-être aussi du XIIe[1]. » Cette marche, en effet, eût été bien périlleuse. Nous eussions d’abord eu plus fibre carrière que par

  1. Mémoire justificatif.