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à tous les messagers : « Ce ne sera pas sérieux, vous avez des positions excellentes qu’on ne pourra pas forcer, tenez-vous-y. »

Les Prussiens dérangèrent notre repos, mais ne nous surprirent pas. Ils trouvèrent en éveil le véritable Ladmirault actif, résolu, voyant vite et juste, rapide dans l’exécution. Manstein s’était engagé à fond de train, se servant d’abord de son artillerie et mettant en avant cinquante-quatre pièces, mais il n’avait pas eu soin de les tenir au loin, là où elles ne pouvaient pas être atteintes par nos obus ; il les avait rapprochées à cette distance moyenne où nous pouvions les contrebattre et ne leur avait pas donné un soutien suffisant d’infanterie. Ladmirault lui fit payer cher cette témérité.

Notre mousqueterie vint en aide à nos canons et couvrit l’artillerie ennemie d’une masse de feux d’une intensité toujours croissante. Une batterie de mitrailleuses, débouchant en avant d’Amanvillers et placée à bonne distance, joignit ses feux à ceux de la mousqueterie. L’artillerie allemande fut mise dans une véritable débandade. Ses lignes ne répondaient plus qu’avec peine à la nôtre en position au Sud d’Amanvillers et de Montigny-la-Grange. Les pertes de leurs batteries à cheval étaient si fortes, en hommes comme en attelages, qu’on en était réduit, pour emmener un canon dont six chevaux manquaient, à l’atteler sous le feu même de l’infanterie ennemie derrière une autre pièce. Une de leurs batteries fut anéantie, les autres mises hors de combat. Elles durent, en se retirant, abandonner des canons qu’il ne tenait qu’à nous de prendre, que je ne sais pourquoi on laissa sur place, et que les Allemands reprirent plus tard[1].

Manstein croyait que la Garde viendrait l’appuyer. En effet, les instructions de Frédéric-Charles au prince de Wurtemberg étaient de marcher sur Vernéville et de se placer en réserve derrière le IXe corps, chargé d’attaquer notre droite de flanc et de front à la fois. Mais, quand le prince de Wurtemberg eut vu de ses yeux qu’Amanvillers n’était pas à l’extrémité de notre ligne, prolongée bien au delà de Saint-Privat et de Sainte-Marie, il pensa que ce n’était pas à Vernéville qu’il devait aller soutenir le IXe corps, mais plus loin, en le protégeant contre une attaque de flanc qui viendrait de Saint-Privat. Ses instructions cependant

  1. Extraits de l’Histoire de l’état-major prussien, p. 677, 682, 684, 690, 694.