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Non, réplique la Bulgarie, à moins que vous n’acceptiez un condominium militaire dans les territoires que vous occupez indûment. — C’est ce que je n’accepterai jamais, affirme la Serbie. — Partout des refus catégoriques. Pendant qu’on les échange sur le ton le plus acrimonieux, le gouvernement russe invite les quatre ministres à se rendre à Saint-Pétersbourg et prépare l’arbitrage. Il demande même aux gouvernemens bulgare et serbe d’entamer la procédure en rédigeant et en envoyant des mémoires qui exposeront leurs thèses respectives et les moyens par lesquels ils les soutiennent. Les thèses ne sont que trop connues, hélas ! Et, quant aux argumens pour et contre, le malheur est qu’ils ont tous une part de vérité. En pareil cas, une transaction s’impose ; mais, pour qu’elle se fasse, il faut que les esprits s’y prêtent et ils sont fort loin de le faire ; de part et d’autre, ils sont exaspérés. Après la démission de M. Guéchof à Sofia, on a failli avoir celle de M. Pachitch à, Belgrade. Comme M. Guéchof, M. Pachitch est un des auteurs de l’alliance balkanique, et le maintien de cette alliance est l’objet de sa politique : quelque douloureux que soient les sacrifices à faire, il ne repousse pas absolument l’idée de les faire dans l’intérêt supérieur de ce maintien. Comme l’empereur de Russie, il estime qu’une guerre serbo-bulgare serait criminelle, si on n’a pas épuisé au préalable tous les moyens de l’éviter. Il s’est trouvé en butte à l’opposition du ministre de la Guerre, le général Boyanovitch, qui, en sa qualité d’organe de l’armée, repousse les concessions à la Serbie et accepte les conséquences de cette attitude. Affaibli par ces divisions, M. Pachitch a donné sa démission et pendant plusieurs jours, on n’a pas su lequel des deux l’emporterait, de lui ou du général Boyanovitch. Finalement, M. Pachitch a repris sa démission et le général Boyanovitch a donné la sienne : peut-être l’a-t-il retirée, lui aussi. Quoi qu’il en soit, une détente s’est alors produite ; M. Pachitch a annoncé qu’il acceptait l’arbitrage sans conditions ; mais il lui reste à soumettre sa politique à la Skoupchtina et, au moment où nous écrivons, on ignore quel sera le vote de l’assemblée. L’armée reste frémissante, et on sent combien la situation est instable : il faudrait peut-être peu de chose pour en renverser les termes.

Dans ces conditions, notre souhait le plus ardent est de voir l’arbitrage russe aboutir : là est pour la paix balkanique la seule chance de salut, car il est malheureusement trop certain que, livrés à eux-mêmes, les alliés d’hier seraient les ennemis de demain. Unis pour conquérir, ils se diviseraient irrémédiablement pour se