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d’être sur pied à quatre heures du matin : c’était vraiment leur demander beaucoup. « Si on considère, dit le général Lebon, tout ce qu’il y a à faire après une bataille comme celle du 16 août, pour remettre de l’ordre dans les corps qui ont été engagés sérieusement, on verra qu’au moins pour la Garde, le 2e et le 3e corps, qui étaient dans ce cas, cette heure (4 heures) était beaucoup trop matinale. La lutte s’était poursuivie jusqu’à la nuit ; c’est entre dix et onze heures du soir que se fit le ravitaillement des batteries. Pendant toute la soirée, il fallut s’occuper de faire boire et manger les chevaux, alimenter les hommes, évacuer les blessés. On ne put se reposer que vers minuit[1]. Cependant ces braves gens ne murmurèrent pas et, dès quatre heures du matin, sauf chez Ladmirault, tout le monde était prêt à rompre. Donc, si à quatre heures on s’était mis en route, il n’est pas douteux que nous eussions facilement eu raison de la résistance des Allemands. Leurs troupes n’étaient plus capables d’une action semblable à celle qui avait rempli la journée de la veille, et leurs renforts ne pouvaient atteindre le champ de bataille que vers le milieu ou la fin de la journée, très fatigués, obligés de se reposer, incapables de se mettre immédiatement à la poursuite. Les troupes reposées de Frossard, de Canrobert et de Bourbaki, accrues des deux divisions Metman et Lorencez qui avaient rejoint, en eussent eu promptement raison, et, si nous ne nous étions pas laissé détourner de notre but en les poursuivant vers la Moselle, nous aurions pu, avant la fin de la journée, reprendre notre marche sur Verdun.

Mais que serait-il arrivé, le lendemain 18, quand le Roi aurait eu sous la main ses sept corps d’armée et ses trois divisions de cavalerie ? Demandons-le au général Bonnal : « Le maréchal Bazaine avait trop de finesse naturelle pour s’illusionner sur le sort qui attendait l’armée de Lorraine si, franchissant la Moselle le 14, elle s’avançait le 13 dans la direction de Verdun pour gagner Châlons. Sachant le 13 que des masses allemandes considérables étaient parvenues à courte distance du front Pont-à-Mousson-Nancy, le maréchal devait conclure à leur marche rapide dans la direction de la Meuse pour gagner de vitesse l’armée de Lorraine et la contraindre à combattre en rase campagne. Si l’armée de Lorraine, lente à se mouvoir, se fût portée

  1. Revue militaire. Note au sujet d’un travail d’état-major.