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macédonien et à la leur remettre. Cela est clair, le reste ne l’est pas.

Il y a heureusement, dans le traité, une clause particulière de nature à faciliter une solution entre les deux prétentions contraires : c’est celle qui prévoit l’arbitrage de l’empereur de Russie pour le cas où surgirait entre la Bulgarie et la Serbie un dissentiment irréductible. Les termes exacts du traité ne sont pas connus : le journal Le Temps en a donné une analyse que nous tenons pour fidèle, mais rien ne vaut un texte formel, et ce texte nous manque. Il semble bien toutefois que, si l’arbitrage de l’empereur de Russie doit s’exercer dans le cas où le désaccord porterait sur les territoires à se partager, il peut avoir un caractère plus général, car nous lisons dans l’analyse du Temps : « Tout différend qui surgirait à l’occasion de l’interprétation ou de l’exécution de n’importe quelle disposition dudit traité, de l’annexe secrète et de la convention militaire, sera soumis à la décision définitive de la Russie aussitôt que l’une ou l’autre partie aura déclaré qu’elle considère qu’il est impossible d’arriver à une entente par des négociations directes. » Cette déclaration n’a été faite jusqu’ici par aucune des deux parties, mais l’impossibilité d’une entente directe n’est-elle pas manifeste, et alors, que faire ? Faut-il laisser la Bulgarie et la Serbie dans un tête-à-tête aussi dangereux que stérile ? N’y a-t-il pas lieu plutôt de recourir à l’arbitrage prévu ? C’est la question que l’empereur Nicolas s’est posée. Le péril augmentait d’heure en heure ; le gouvernement serbe et le gouvernement bulgare s’entêtaient chacun de son côté ; l’opinion était également surexcitée à Belgrade et à Sofia ; le parti de l’action était sur le point de l’emporter partout ; M. Guéchof donnait sa démission à Sofia, et il était remplacé par M, Danef, qui, à tort ou à raison, ne passe pas pour aussi conciliant ; enfin des concentrations de troupes s’opéraient avec un caractère menaçant ; on en était au point où les fusils partent tout seuls ; ils sont d’ailleurs partis depuis. Alors l’empereur Nicolas a revendiqué son droit arbitral et, quel que soit le résultat ultérieur de sa démarche, — nous espérons fermement qu’il sera salutaire, — on ne saurait trop en apprécier et en proclamer le mérite. Il a adressé, le 8 juin, un télégramme personnel aux rois de Bulgarie et de Serbie. « C’est avec un sentiment pénible, y disait-il, que j’apprends que les États balkaniques paraissent se préparer à une guerre fratricide, capable de ternir la gloire qu’ils ont acquise en commun. Dans un moment aussi grave, j’en appelle directement à Votre Majesté, ainsi que m’y obligent mon droit et mon devoir. C’est à la Russie que les deux peuples bulgare et serbe ont remis, par un acte de leur alliance, la décision de tout différend ; je