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avaient une force de fait qui s’imposait. Elle s’est donc inclinée, mais avec la pensée que, dans le compte qui lui était ouvert, quelque chose lui était dû par l’Europe elle-même et quelque chose aussi par la Bulgarie. Sans doute la Bulgarie a supporté le poids le plus lourd dans la guerre d’hier, mais si ce poids a été si lourd pour elle, n’est-ce pas un peu sa faute ? N’a-t-elle pas étendu les opérations militaires dans la Thrace au delà des prévisions qui avaient présidé à l’élaboration du traité ? Ses ambitions ne se sont-elles pas accrues à mesure qu’elles étaient satisfaites ? Ces observations que la Serbie a fait entendre après la guerre, elle les a tues pendant que les hostilités se poursuivaient, et elle a donné à la Bulgarie le concours le plus large, le plus dévoué, le plus généreux. Si Andrinople a succombé, c’est parce que 50 000 Serbes ont aidé les Bulgares à la prendre. Occupée de ce côté, la Bulgarie a été empêchée d’envoyer à l’Ouest le fort contingent sur lequel, en vertu du traité, la Serbie était en droit de compter. Pour tous ces motifs, la Serbie estime que le traité, observé strictement dans sa lettre, ne saurait plus faire loi entre la Bulgarie et elle, et elle proclame même qu’il n’existe plus. Cette conclusion est sans doute excessive, mais, pour le reste de sa thèse, comment ne pas reconnaitre que la Serbie invoque des argumens qui ne sont pas sans valeur ? M. Pachitch, dans un discours qu’il a prononcé devant la Skoupchtina, les a exposés avec clarté et avec force. A cette argumentation vigoureuse, qu’a répondu la Bulgarie ?

Elle a répondu en invoquant le traité, rien que le traité. Quand on a conclu une convention, a-t-elle dit, il faut s’y tenir. Sans doute les résultats de la guerre ont dépassé ce qu’on avait attendu et sans doute aussi les opérations militaires ont amené des mouvemens de troupes qui n’avaient pas été prévus, mais là n’est pas la question. L’alliance avait été conclue sur le principe qu’on ferait, suivant les circonstances, le meilleur usage possible des forces communes et qu’on partagerait ensuite les territoires occupés au nom de la communauté, suivant des règles fixées par avance. Ce sont ces règles que la Bulgarie invoque : nous avons dit autrefois en quoi elles consistaient. Une ligne droite a été tracée depuis la frontière commune des deux pays jusqu’au lac Okrida : tout ce qui est à l’Ouest de cette ligne doit revenir à la Serbie, tout ce qui est à l’Est à la Bulgarie. Voilà le traité, il n’y a qu’à s’y tenir. En fait, les Serbes occupent une partie du territoire situé à l’Est de la ligne convenue, et notamment la ville de Monastir où ils sont entrés à la suite d’un sanglant combat : ils n’ont, disent les Bulgares, qu’à évacuer cette partie du territoire