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des élémens les plus simples, les plus familiers de la vie. C’était une sympathie cordiale, profonde pour la réalité populaire, quotidienne, parisienne aussi, pour les êtres et les choses les plus chétifs, les plus terre à terre, mais que la pitié, la tendresse relevait, et quelquefois très haut, vers le ciel. En deux mots, c’était du réalisme sans doute, mais du meilleur, de celui qu’il ne faut ni mépriser, ni proscrire, du réalisme à base d’amour. Dans l’ordre de la musique, dans « le royaume où résident les enchantemens célestes des sons, » le musicien de Louise avait donné véritablement droit de cité à Paris, à notre Paris. Avec les plus petites voix de la grande ville, avec les plus dédaignées, il avait su former les plus harmonieux, les plus attendrissans concerts. « Marchand d’habits !... Du mouron pour les p’tits oiseaux !... A la tendresse ! La verduresse !... Voilà le plaisir, Mesdames ! » Autant d’appels, ou de cris, dont on ne savait pas jusque-là tout ce que les pauvres notes pouvaient exprimer de lassitude et de peine, de charme souffrant et de triste sourire. « La rue me saoule, » avait dit alors, brutalement déjà, M. Gustave Charpentier. Mais alors il se calomniait lui-même. Alors, la rue ne l’enivrait encore, plus purement, que de « cette douce ivresse, où la bouche sourit, où les yeux vont pleurer. » Et atelier, comme la rue, — souvenez-vous du tableau des couturières, — lui révélait et par lui nous révélait sa poésie et son âme : son âme féminine, son âme de langueur et de rêve, de désir et d’amour. Toutes ces choses sont passées. Décidément, nous avions tort au début de ces pages : Julien n’est pas Louise continuée, c’est Louise avilie.

L’âme féminine de Julien ne se répartit pas en moins de cinq personnages. Louise, la Beauté, l’Aïeule, la Jeune Fille, la Fille, telles sont les diverses représentations où la voix et le talent de Mme Marguerite Carré s’élève et s’abaisse tour à tour. Le rôle écrasant de Julien est tenu, soutenu par M. Rousselière avec une vigueur sans faiblesse, mais sans nuances. Il y a quelques erreurs, une au moins, dans la mise en scène, ou dans la décoration : des fenêtres de la Villa Médicis, on ne voit pas la coupole de Saint-Pierre à cette place, et surtout, on ne lui voit cette forme, ni des dites fenêtres, ni d’ailleurs.


CAMILLE BELLAIGUE.