Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 16.djvu/230

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sans cause et sans remède, que ne parviennent même point à calmer les aimables empressemens d’une jeune Slovaque.

En Bretagne maintenant. « Levez-vous, orages désirés ! » Orages du cœur, orages du ciel et de la terre, ils se lèvent tous. Pas plus que la jeune Slovaque par la tendresse, une aïeule bretonne, par la prière et par la foi, ne réussit à les conjurer. Un calvaire est proche : belle occasion pour le désespéré, le maudit, le romantique enfin, — qui ne la manque pas, — de blasphème, de sacrilège et de poing tendu vers le Crucifié.

M. Charpentier a donné pour épigraphe à son œuvre cette phrase empruntée à la Confession d’un enfant du siècle, du siècle dernier, déjà si loin de nous : « Vous cherchez autour de vous comme une espérance... et la destinée qui vous raille vous répondra par une bouteille de vin du peuple et une courtisane. » Les scènes finales de Julien ne sont que la mise au théâtre de cette double réponse. La courtisane, ou plutôt la fille, c’est Louise, retrouvée par Julien à la fête de Montmartre. Quant à la bouteille, elle n’est pas même de via, mais d’absinthe. Alcool et prostitution, voilà la conclusion de ce drame lyrique. Ce n’est pas un dénouement, c’est une déchéance.

Encore une fois, tout cela, rêve et réalité, ou plutôt réalisme, tout cela se trouvait en germe dans la Vie du poète. Sans doute, mais en germe seulement. Et puis, au concert, dans une symphonie lyrique, dans une œuvre, ne disons pas de musique pure, oh ! non, mais seulement de musique, tout cela ne se voyait pas. Or, vous le savez, les yeux, plus que les oreilles, ont leur délicatesse. Un poète l’a dit, un poète latin, et qui pourtant n’était pas prude :


Segnius irritant animas demissa per aurem
Quam quæ sunt oculis subjecta...


Enfin la Vie du poète, c’était, nous l’avons dit, il y a vingt ans et plus. Alors la Fête à Montmartre pouvait passer pour une boutade, une folie de jeunesse, pour une pochade aussi, et, comme on dit à l’atelier, pour une « charge. » Autant que la peinture, la musique a les siennes. Aujourd’hui, cela vient ou revient un peu tard, et de ce spectacle d’abord, et de cette musique même, on n’a plus senti, — nous du moins, — au lieu de la couleur et du mouvement, que la grossièreté, la bassesse et, si l’on osait, on dirait l’ignominie.

A demi naturaliste et romantique à demi, écrivions-nous déjà de la Vie du poète. Cela est bien plus vrai de Julien, et si la première moitié, nous venons de le voir, inspire quelque répugnance, il est difficile de