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Des dispositions furent arrêtées pour le 18 en vue de deux hypothèses entre lesquelles on ne savait se prononcer : l’aile gauche serait portée en avant dans la direction du Nord, vers la route la plus rapprochée, par où nous pouvions encore nous retirer, celle qui passe par Doncourt. Rencontrerait-elle là notre armée en train de battre en retraite, elle l’attaquerait immédiatement et l’aile droite suivrait, arrivant au secours de l’aile gauche. Au contraire, constaterait-on que nous étions restés sous Metz, l’aile gauche ferait un quart de conversion dans la direction de l’Est et tournerait notre position depuis le Nord, et l’aile droite engagerait un combat traînant jusqu’à ce que l’action de l’aile gauche se fit sentir[1]. Ces directions expédiées, le Roi retourna à son quartier général de Pont-à-Mousson.


V

Dans ces dispositions de l’armée allemande, Bazaine pouvait-il reprendre le 17 août son mouvement sur Verdun ? Changarnier le pensait : « Nous avions l’avance sur l’ennemi, qui, même en s’imposant de grandes fatigues, n’aurait pu nous faire que des affaires d’arrière-garde sans importance et en nous laissant la faculté de nous retourner vigoureusement contre lui[2]. » C’était aussi l’avis du général Ladmirault : « Je n’aurais pas hésité à le faire ; je ne dis pas que j’aurais réussi, mais j’aurais tenté. » Plusieurs historiens militaires ont accrédité cette opinion. Selon eux, Bazaine eût pu, en mettant son armée en mouvement dès trois ou quatre heures du matin, écarter de sa route les débris d’Alvensleben, enlever Mars-la-Tour et s’avancer sans encombre sur Verdun. D’autres, tel Soleille, n’ont point partagé cette opinion : « L’ennemi pouvait suivre pas à pas notre marche, la ralentir par des engagemens incessans et finir par la rendre désastreuse[3]. » L’opinion de Soleille paraît plus justifiée que celle de Changarnier. Notre nature offensive nous rendait plus aptes aux combats de manœuvre qu’à ceux de pied ferme. Toutefois, dans l’occurrence, il était téméraire de s’y exposer.

L’ordre de Bazaine du 16 au soir avait prescrit aux troupes

  1. Guerre de 1870, p. 62.
  2. Procès Bazaine.
  3. Journal des opérations du général Soleille.