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J’ai donc pris, par instinct, ma route favorite.
Toujours improvisant, j’ai dû m’asseoir ensuite,
Et, mon sang bouillonnant sans doute sous ma peau,
J’ai mis ma redingote à bas, et mon chapeau.


Au théâtre de l’Odéon,. entre ces tirades et d’autres similaires, ou pires, l’orchestre Colonne exécutait certaines pages de Beethoven : l’ouverture de Léonore, la Mort de Claire (d’Egmont), des fragmens de symphonies. Ainsi l’auditeur était à même de décider si l’immortel musicien s’exprimait avec plus d’éloquence par la poésie que lui prêtait M. Fauchois ou par sa propre musique.

Ce premier essai de collaboration poético-musicale ne laissait pas d’inspirer quelques doutes sur le succès d’une nouvelle rencontre. L’événement les a dissipés. M. René Fauchois s’est mieux trouvé, beaucoup mieux, de parler, ou d’écrire pour M. Gabriel Fauré, que de faire parler Beethoven. Le poète de Pénélope a parlé d’après Homère ; quelquefois seulement avec plus de recherche et de préciosité. Du récit homérique, il a supprimé deux personnages, sympathiques pourtant et dignes de regrets : Minerve et Télémaque. Les autres, il ne les a point travestis ou gâtés. Après tant de siècles, elle demeure encore exquise, l’antique et conjugale aventure, exquise de jeunesse, de tendresse et de pureté. Un sot nous écrivait cet hiver, — à propos de Gounod musicien de l’antiquité, — que les Grecs n’avaient jamais compris la femme, l’épouse. Il oubliait Pénélope, Alceste et quelques autres. Aussi bien, que n’ont-ils pas compris, ces Grecs, ou tout au moins deviné ! Plus pieux que nous ne le sommes souvent aujourd’hui, ns vénéraient le foyer, la « maison, » dont M. Henry Bordeaux vient d’écrire, ici même, — avec quelle religion et quelle ferveur ! — l’apologie, ou mieux, le poème. L’histoire de Pénélope, c’est l’histoire trois fois millénaire, peut-être la plus ancienne histoire de la « maison » chérie, défendue et sauvée.

Premier acte : retour d’Ulysse, sous les traits et les haillons d’un vieux mendiant. Rudoyé par les prétendans, Pénélope l’accueille. Sa nourrice Euryclée, en lavant les pieds du vagabond, y retrouve la cicatrice connue. Elle se tait, sur l’ordre du maître, et celui-ci demande à Pénélope l’unique faveur de l’accompagner au sommet de la colline où chaque soir, assise contre une colonne de marbre par elle fleurie de roses, la reine cherche en vain sur les flots une voile.

Second acte : nocturne et mélancolique entretien de Pénélope et de son hôte ; lui, craignant de se trahir, elle, curieuse et vaguement