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tenues dans l’univers peut s’accorder avec la stabilité du Créateur. Ainsi les mêmes argumens ont servi des deux côtés de la barricade. Laissons là ces querelles puériles. Il est un peu ridicule pour l’espèce humaine, chaque fois que se produit une conquête nouvelle de la science, de la voir servir de projectile qu’on se renvoie à grands coups de ra’juette. C’est rabaisser singulièrement la recherche austère de le vérité, que de n’y voir qu’une sorte de sabre de M. Prudhomme, protecteur ou menaçant suivant la fantaisie de chacun.

Parmi les astrophysiciens qui trouvent quelque difficulté à admettre la mort de l’Univers telle que l’implique le principe de Carnot, M. Arrhenius est sans doute celui qui a émis les objections les plus originales. Henri Poincaré les a même qualifiées de géniales ; en tout cas, elles méritent amplement un examen.

Nous savons que la chaleur tend naturellement « par elle-même » à passer des corps chauds aux corps plus froids, soit par conductibihté, soit par radiation. Au contraire, jamais la chaleur ne passe naturellement d’un corps donné à un autre plus chaud, et c’est ce qui fait précisément que l’équiHbre de température s’établit finalement entre des corps inégalement chauds placés dans une même enceinte. C’est ce qu’exprime le principe de Carnot.

Dans l’Univers stellaire, le soleil et les étoiles (qui sont, rappelonsle, toutes des soleils) cèdent peu à peu en rayonnant à travers l’espace leur chaleur, qui tend à échaufFer les lointaines et froides nébuleuses, de sorte que, finalement, il semble que le nivellement des températures (connexe de celui des quantités de matière) doit établir dans l’univers la Wärmetod annoncée par Clausius. Or M. Arrhenius est d’un avis contraire, et voici pourquoi :

Le grand physicien anglais Maxwell (celui-là même qui en créant la théorie électromagnétique de la lumière a montré par une intuition géniale l’identité de la lumière et de l’électricité et amené la découverte des ondes hertziennes et leurs innombrables applications), Maxwell a imaginé un cas où les phénomènes se passent contrairement au principe de Carnot, grâce à l’artifice que voici, et qui est aujourd’hui célèbre sous le nom des démons de Maxwell. On sait que d’après la théorie cinétique des gaz, qui est aujourd’hui une des conquêtes les plus sûres de la physique, une masse gazeuse est constituée par des molécules qui circulent dans tous les sens avec de très grandes vitesses, d’ailleurs inégales (à cause des chocs) et oscillent de part et