hypocrite et ardente ; et c’est la Foi qui impose à la maisonnée la dignité poignante de la tenue. Les deux puissances de l’ordre et du désordre ont l’une et l’autre donné toute leur efficacité.
Cette grande scène farouche et sur laquelle semblent peser des fatalités redoutables n’indique pas le ton général du roman. Ces Ropart d’Anay sont des gens de vieille croyance et de vie profonde. Les autres personnages du roman sont des fantoches ; non que l’auteur n’ait su faire d’eux que des fantoches : mais ils sont des fantoches dans la réalité où l’auteur les a pris, tous, et voire les ministres dont il y a, dans les Anges gardiens, de bonnes figures dérisoires. Les scènes où se rencontrent ces fantoches, dénués de principes et même de passions, laissent à la fin la ridicule et horrible impression d’une existence dépravée et misérable, toute en façade et peinte, toute en mensonge et fardée : vie moderne, vie improvisée.
Ce roman si alerte, si admirablement bien fait et qui est un chef-d’œuvre du genre, je ne lui trouve qu’un défaut, celui que je disais : la thèse à laquelle l’auteur l’a soumis. Il a fallu qu’au service de sa démonstration l’auteur multipliât les histoires d’institutrices ; et, à chaque fois qu’une institutrice apparaît, que ne décampe-t-elle au plus vite !... Ces filles sont par trop déplaisantes et, pour ainsi parler, avec trop de méthode. Il a fallu qu’en faveur de sa thèse il nous montrât de vilaines choses, parfois révoltantes. Et il est vrai qu’on fait de la beauté avec de la laideur. Boileau déjà le remarquait ; puis on l’a répété, à l’excès, et l’on a grandement abusé de la permission. Il est vrai que les passions humaines, à la représentation desquelles la littérature est dévouée, ont des dehors souvent affreux. La littérature les embellit, non pas au moyen d’ornemens, non pas en les déguisant sous de jolis costumes : elle les embellit en ajoutant à leur vérité, à leur exacte peinture, l’émoi du peintre, indignation, pitié, volupté pressentie, horreur ou tentation. Si l’on fait de la beauté avec de la laideur, c’est qu’on a tiré de la laideur même une poésie étrange, cachée, une poésie de douleur ou de joie. M. Marcel Prévost ne tire et ne veut tirer de la réalité aucune poésie. Des romanciers contemporains n’est-il pas le plus docile aux règles d’ « objectivité » que Flaubert a formulées et n’a pas toujours observées ? Il n’intervient pas dans son œuvre : ses personnages, on ne voit pas qu’il ait pour eux de la tendresse ou de la haine ; les événemens ne l’enchantent pas, ne l’offensent pas. Il y a, dans les Anges gardiens, tous les élémens d’un rude pessimisme, tous les argumens de l’opinion la plus désespérée, touchant l’époque et l’avenir. M. Marcel Prévost n’est pas un pessimiste : il a, pour se sauver