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Il est facile aussi de prouver que l’état des fortifications de Metz n’était pas tel qu’elles n’eussent pu résister quinze jours si les troupes s’en éloignaient.

Si Moltke ne nous avait pas habitués à une crédulité et à une irréflexion inimaginables quand il s’agit de nos affaires, nous serions surpris de la facilité avec laquelle il a inséré, dans le récit de son état-major, cette invraisemblable affirmation, oubliant qu’en 1869 déjà, la défense de la place était si formidable que Stiele, en ce moment chef d’état-major de la IIe armée, disait que « si on avait à l’assiéger, il faudrait la réduire par la famine[1]. » Coffinières a fait justice de cette allégation en termes indignés : « On m’a prêté une opinion vraiment incroyable de la part d’un officier du génie ; on m’a fait dire que la place de Metz ne pouvait pas tenir plus de quinze jours si elle était abandonnée à ses propres forces. C’est là une opinion qu’on m’a prêtée trop généreusement, une ineptie dont je me crois véritablement incapable, et je ne sais pas comment on aurait pu oser émettre une telle opinion dans une réunion de maréchaux et de généraux de toutes les armes, qui évidemment auraient protesté contre cette proposition. Je proteste de la manière la plus formelle et la plus énergique. J’avais inspecté la place de Metz trois ou quatre fois avant la guerre. Je connaissais par conséquent les forts et je savais comment ils étaient ; il n’est pas admissible que j’aie dit qu’un ensemble de telles fortifications ne peut tenir que quinze jours... C’est me prêter une absurdité, dont, je le répète, je ne crois pas être capable. En trois semaines ou un mois, à partir du 7 août, on a mis 600 pièces de batteries sur les fortifications. Le 15 août d’abord la place était déjà en parfait état, dans un état parfaitement soigné : il y avait déjà eu beaucoup de travaux dans les années précédentes et il n’y avait absolument rien à faire, excepté quelques précautions à prendre pour fermer les entrées particulières qu’on avait laissées ; mais les remparts proprement dits n’exigeaient aucun soin spécial. Quant aux forts, ils étaient parfaitement défendables, et l’état de redoute parfaitement établi ; ils n’avaient pas le caractère absolu d’une fortification permanente, parce qu’il n’y avait pas de revêtemens à l’escarpe et a la contrescarpe[2]. » Il dit encore : « Le 15 août, la besogne

  1. Empire Libéral, t. XV. p. 97.
  2. Général Coffinières de Nordeck, 7 novembre 1873, procès Bazaine.