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aide aux 2e et 6e corps d’armée et à la Garde, qui avaient été plus éprouvés. Le général Soleille avait ordonné d’opérer cette distribution. Enfin Préval serait arrivé le matin à la tête du convoi de cinq cents voitures qu’il était allé chercher à Metz. Ce convoi pouvait rejoindre l’armée dans la journée et même dans la matinée du 17, sans que la marche sur Verdun, si l’on y persistait, en fût retardée, encore moins empêchée.

On a cité souvent différens passages des rapports de fractions d’armée ou de l’historique des régimens se plaignant que des vivres ou des munitions manquaient. La plupart du temps ces manquemens n’étaient que très partiels et très provisoires, ils résultaient des mouvemens des troupes. Ainsi, Tixier se plaint au maréchal Canrobert que ses troupes épuisées n’ont pas pu toucher de viande depuis deux jours, mais ce n’est point parce que les approvisionnemens manquaient, c’est parce que les troupeaux avaient été dispersés par la peur[1].

Souvent ces plaintes étaient exagérées, car nos officiers sont toujours portés à se plaindre, même à tort. Soleille, qui devait être le mieux informé de tous, n’a-t-il pas déclaré le 16 août et encore le 17, n’avoir plus de munitions sur le plateau, ni à Metz, tandis qu’elles abondaient, comme il a été obligé de le reconnaître plus tard[2] ? Quoi qu’on fasse, on ne préservera pas les troupes combattantes de souffrir des manques de distributions, ce qui n’implique pas que l’armée en fût dépourvue, mais seulement qu’elles n’étaient pas disponibles momentanément sur tel ou tel point. Chez les Prussiens, on trouverait l’équivalent, au moins, de ce qu’on a relevé dans les documens français. Ils ont combattu certains jours entiers sans avoir mangé, tant officiers que soldats..

D’ordinaire, toute troupe, après un combat, a besoin d’être

  1. Avant même que Bazaine, dans son procès, ait reconnu l’inanité de ce motif, il avait lui-même très bien précisé le caractère et la cause de certains manques d’approvisionnemens. — Le maréchal Bazaine à l’intendant général de l’armée, Gravelotte, 16 août : « Faites expédier sans retard des vivres au général Forton, commandant la 3e division de cavalerie de réserve. Il importe entre autres de lui fournir de l’avoine : soit au moyen de celle que l’armée possède encore à sa suite, soit au moyen d’achats exécutés sur place et qui doivent être faciles, puisqu’ils le sont ici même. J’ai vu hier à Gravelotte le sous-intendant attaché à la division de Forton ; il est probable que, s’il eût été à son poste, des difficultés de cette nature ne se seraient pas élevées. Je vous prie de lui donner vos instructions pour l’exécution des dispositions ci-dessus, en lui prescrivant de demeurer à l’avenir avec la division dont l’administration lui est confiée. »
  2. Note du 22 août.