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moniteurs des conspirations, de brochures spéciales pour les sectionnaires, de propagandes bruyantes, d’affiliations sans examen ; tout va devenir ténébreux, sévère et enveloppé de précautions. » Les cinq années qui viennent de 1835 à 1840, ou plus exactement les quatre années 1835-1839, vont appartenir aux Légions révolutionnaires, à la Société des familles, à la Société des saisons. C’est le triumvirat de Blanqui, Barbès et Martin-Bernard. L’initiation aux Familles était manifestement copiée dans le rituel maçonnique.


L’adepte, soumis à une enquête préliminaire sur sa vie et ses opinions, recevait avis, quand le résultat lui était favorable, de se tenir prêt. Le sociétaire qui le présentait allait le prendre, le conduisait dans un lieu inconnu et ne l’introduisait qu’après lui avoir bandé les yeux. Là, sans savoir à qui il avait affaire et ce qui allait se passer, il attendait. Trois hommes généralement formaient le jury d’examen : un président, un assesseur et l’introducteur. Le président prenait la parole et prononçait cette formule :

« Au nom du Comité exécutif, les travaux sont ouverts... Citoyen assesseur, dans quel but nous réunissons-nous ? — Pour travailler à la délivrance du peuple et du genre humain. — Quelles sont les vertus d’un véritable républicain ? — La sobriété, le courage, la force, le dévouement. — Quelle peine méritent les traîtres ? — La mort. — Qui doit l’infliger ? — Tout membre de l’association qui en a reçu l’ordre de ses chefs. »

Puis le président interpellait le récipiendaire en ces termes :

« Citoyen, quels sont tes nom et prénoms, ton âge, ta profession, le lieu de ta naissance ? — Mais, avant d’aller plus loin, prête le serment suivant : « Je jure de garder le plus profond silence sur ce qui va se passer dans cette enceinte. » — Tu dois croire qu’avant de t’admettre dans nos rangs, nous avons pris des renseignemens sur ta conduite et ta moralité ! les rapports adressés au Comité te sont favorables. Nous allons t’adresser les questions voulues :

« Est-ce ton travail ou ta famille qui te nourrit ? — As-tu fait partie de quelque société politique ? — Que penses-tu du gouvernement ? — Dans quel intérêt fonctionne-t-il ? — Quels sont aujourd’hui les aristocrates ? — Quel est le droit en vertu duquel il gouverne ? — Quel est le vice dominant dans la société ? — Qu’est-ce qui tient lieu d’honneur, de probité, de vertu ? — Quel est l’homme qui est estimé dans le monde ? — Quel est celui qui est méprisé, persécuté, mis hors la loi ? — Que penses-tu des droits d’octroi, des impôts sur le sol, sur les boissons ? — Qu’est-ce que le peuple ? — Comment est-il traité par les lois ? — Quel est le sort du prolétaire sous le gouvernement des riches ? — Quel est le but qui doit servir de base à une société régulière ? — Quels doivent être les droits du citoyen dans un pays bien réglé ? — Quels sont ses devoirs ? — Faut-il faire une révolution politique ou une révolution sociale ? »

« On devine les réponses, continue de la Hodde : le gouvernement était