Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 16.djvu/161

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

inattendus d’eux, inutiles pour eux, non seulement déçus, mais stupéfîés. Il leur a fallu le temps de s’en remettre. — et de s’y remettre.

Combien y en a-t-il, pendant ces quatre années, qui se signalent à l’attention de la police et à la nôtre ? Le 2 mars 1831, quelques centaines d’ouvriers vont au Palais-Royal crier sous les fenêtres de Louis-Philippe : « De l’ouvrage ou du pain ! « On dépense en un mois sept millions pour leur assurer du travail, et il n’en est pas davantage. En février 1832, un ouvrier bottier, Poncelet, est compromis dans l’affaire de la rue des Prouvaires ; mais de la Hodde (agent secret qui prétend vainement à l’estime, mais de qui les renseignemens sont précieux, à cause de l’impureté même de leur source) note que c’est une intrigue légitimiste. En avril 1832, s’élève l’émeute des chiffonniers, pour des motifs et dans un milieu strictement professionnels, — si l’on osait le dire, à propos de hottes. — Le 8 juin, devant le jury, un ouvrier, lyonnais, je crois, Joseph Beuf, fait une charge violente contre le Roi, qu’il accuse d’avoir « volé la couronne en 1830. » Mais, avant que la Société des Droits de l’homme se soit reconstruite sur les ruines de la Société des Amis du peuple, ce sont là des exceptions ; ce ne sont que des cas isolés. Avec les Droits de l’homme, apparaissent : Grignon, ouvrier tailleur, membre de cette société, et ses Réflexions sur le minimum de salaire et le maximum de travail (10 heures) l’un et l’autre réglementés par la loi ; le cocher de fiacre Millon, chef de section de la même société, bel esprit, parait-il, égalitaire et partageux, à la littérature de qui le préfet Gisquet consacre un long passage, où l’on voit citées des choses de ce goût : « C’est assez ! le flambeau de la liberté a dévoilé le repaire du crime. Plus de roi ! Le temps est venu où nous devons compter avec les vils fainéans qui s’engraissent des produits de nos travaux, et partager égale moitié du bien qu’ils nous ont volé. » Mais ces fainéans engraissés ne sont pas seulement les nobles plus ou moins authentiques. Sus aux bourgeois aussi ! « Il faut poursuivre tous les débris de cette menue aristocratie qui s’est reformée sous la dénomination de bourgeoisie et l’extirper jusque dans ses fondemens. » N’oublions pas ici (quoique déjà nommé) leur supérieur dans la hiérarchie, membre du Comité central de la société des Droits de l’homme, l’un des Onze, Détente, crieur public, le plus remuant et bruyant personnage d’une corporation