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des oisifs sur les classes laborieuses. » De même : « Frères et amis, lit-on dans la Lettre d’un républicain sur la misère des ouvriers et les moyens de la faire cesser, je n’ai pas, pour m’exprimer, l’élégante facilité de ceux qui font des livres ou des journaux ; je suis ouvrier ! ce titre honorable me vaudra l’indulgence des ouvriers à qui je m’adresse. Si aujourd’hui les lois protègent davantage les riches que les pauvres, c’est que les lois sont faites par les riches seulement. N’est-il pas vrai qu’une réunion composée de charpentiers ou de boulangers s’occupera plutôt à faire des lois pour les charpentiers et les boulangers que pour les autres corps d’état ? » Or il faut des lois faites pour tout le monde, c’est-à-dire des lois faites par tout le monde ; mais, pour que tout le monde fasse les lois, il faut une nouvelle révolution. Faisons donc la révolution ; préparons-la ; saisissons toutes les occasions de la précipiter.

La conséquence fut tout de suite sensible ; tandis qu’il ne se rencontrait pas, je le répète, ou presque pas d’ouvriers dans les procès de 1831 et de 1832, en voici une longue liste au procès d’avril 1834. J’ai eu la curiosité d’analyser dans le détail le rôle des inculpés retenus en cette affaire. On y relève, à Lyon, outre les « ouvriers en soie » et les « chefs d’atelier, » les canuts qui naturellement dominent, des poèliers, bijoutiers, journaliers, cordonniers, charpentiers, manœuvres, menuisiers, ferblantiers, monteurs de métiers, domestiques, corroyeurs, quincailliers, garçons boulangers, marchands de cirage, cartonniers, crieurs publics, maçons, fumistes, cafetiers, doreurs sur bois, commis, plâtriers, voituriers, tanneurs, tailleurs d’habits, serruriers, fabricans de peignes, veloutiers, mécaniciens, charbonniers, perruquiers, liquoristes, vinaigriers, pris au hasard de l’ordre alphabétique, de l’accusé Adam à l’accusé Yvon ; à Paris, des teinturiers, cuisiniers, commis-marchands, colporteurs ou crieurs publics (cette corporation se distingue avec le terrible Delente), passementiers, tailleurs, horlogers, orfèvres en doublé, bijoutiers, cardeurs de matelas ; de plus, des tisserands et des vignerons, à Arbois, dans le Jura ; à Grenoble, des gantiers, le contraire serait étonnant. A un autre point de vue, voici qu’apparaissent parmi les émeutiers de chez nous, parmi nos émeu- tiers a nous, ces étrangers qui par la suite y joueront un rôle si considérable : un Portugais, Correa, décoré de Juillet, ouvrier en soie ; un autre « soyeux, » Despinas, Italien ; Raggio, veloutier,