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afin de hâter leur mouvement de passage de la Moselle et leur arrivée sur la hauteur ; il n’aurait pas refusé à Ladmirault le jour de repos qu’il lui demandait ; il n’aurait pas, le 15 août, envoyé l’intendant Wolff préparer des vivres à Verdun en annonçant que l’armée y serait dans peu de jours ; il n’aurait pas proposé à l’Empereur de faire partir la Garde en avant vers Etain ; il n’aurait pas opéré le licenciement du train auxiliaire, obstacle à la marche rapide sur Verdun ; il n’aurait pas dit le matin même à Le Bœuf d’envoyer des ordres impératifs de ralliement aux divisions en retard et de réprimander leurs commandans ; il n’aurait pas enjoint, avant l’arrivée des renseignemens pessimistes, de reprendre la marche sur Verdun le lendemain ; il n’aurait pas ordonné à l’intendant général Préval de rapporter des cartouches de Metz ; enfin, il n’aurait pas exposé cent fois sa vie, dans la journée, pour livrer une bataille de comédie.

La reculade du 17 août n’a point été l’explosion d’une arrière-pensée continue, qui attend l’occasion propice ; elle fut une de ces résolutions subites, irréfléchies, dont Bazaine était coutumier et qui lui avaient valu le surnom d’Ordre et Contre-Ordre, résolution d’un chef d’armée inquiété par les rapports de ses chefs de service lui annonçant que ses troupes n’ont plus ni vivres ni munitions, que l’ennemi se renforce sans cesse en proportions effrayantes, et qui se croit menacé d’être cerné, enlevé, hors d’état de soutenir une nouvelle bataille en pleine campagne, laissant derrière lui une citadelle qui, livrée à elle-même, est dans l’impossibilité de repousser un assaut brusqué. « Victime, a-t-il dit, d’une préparation trop incomplète pour la guerre, l’armée ne put tirer parti de la bataille de Rezonville[1]. »

L’examen a démontré la fausseté de ses allégations. Il y avait plus de munitions qu’il n’en fallait pour livrer le 17 août une bataille aussi importante que celle du 16 et continuer la marche. L’armée du Rhin, quoiqu’on prétendît qu’elle manquait de tout, a toujours été pourvue de tout, excepté à quelques momens passagers, à cause des reviremens perpétuels dans la direction des opérations. Le 13 août, au moment de la prise de possession de son commandement, Bazaine trouva : 107 922 coups

  1. Épisodes, p. 249.