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sur l’attraction passionnée, — Fourier, qui avait, en 1822, déroulé tout au long, sinon débrouillé tout au clair ses idées dans le Traité de l’Association industrielle et agricole, et qui, constitué depuis 1826 en chef d’école, travaillait à les propager par le livre : Le nouveau Monde (1829), Pièges et charlatanisme (1831), en attendant qu’il eût son journal, le Phalanstère (1832-1834), l’étrange et, par certaines parties, peut-être génial fabricant de systèmes sociaux avait encore six ans à vivre.

Ces deux journaux, le Globe de 1831, le Phalanstère, ne sont ou ne seront guère, — qu’on me pardonne l’irrévérence de la comparaison, — que comme des « Semaines religieuses, « comme des « Bulletins de paroisse, » l’un de l’église saint-simonienne, l’autre de l’église fouriériste. Ce serait pourtant une erreur de croire qu’ils n’ont exercé ni cherché à exercer aucune influence en dehors et au delà d’un milieu très particulier. On a calculé au contraire qu’en deux ans (1830-1832) les saint-simoniens, maîtres et rédacteurs du Globe, avaient, avec leurs brochures, répandu dans le public plus de 18 000 000 de pages. Les prédications de la rue Taitbout, les cérémonies de Ménilmontant, les tentatives d’organisation éducative et médicale des douze arrondissemens de Paris, les missions en province et à l’étranger, prouvent du reste leur souci d’atteindre la masse populaire. Mais les journaux proprement politiques, les deux grands journaux de la démocratie (si le mot n’avance pas un peu), sont, à Paris, depuis 1829, la Tribune, plus radicale, et le National, plus modéré. Vers le même temps paraissaient et disparaissaient, éphémères, la Jeune France du républicain Plagniol, le Patriote de l’avocat Franque, la Révolution d’Antony Thouret. Les départemens avaient, à Lyon, le Précurseur, à Nantes, l’Ami de la Charte ; et encore le Mercure ségusien, l’Album de la Creuse, le Courrier de la Moselle, l’Aviso de la Méditerranée, la Gazette constitutionnelle de l’Allier (juin-juillet 1830)....

Mais je reprends mon ouvrier des faubourgs parisiens, ce combattant, ce héros des Trois Glorieuses, Drevet le victorieux. La tournure des choses, après l’enthousiasme, l’enivrement du bruit, de la course, de la mêlée, de la poudre, du feu et du sang dans la rue, n’est point à sa satisfaction. Elle le mécontente et peu à peu l’aigrit, lui donne vite l’impression qu’il est, — comment dit-il, ne dit-il pas, en son argot, qu’il est « roulé ? » — « En 1828, s’écrie plus tard Drevet, je fréquentais assidûment