Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 16.djvu/141

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sciences, l’industrie et le commerce, elle s’élève aux sommités sociales, et se confond souvent avec les anciennes illustrations. La bourgeoisie a hérité de tout ce que les titres nobiliaires ont perdu depuis un demi-siècle, sous le rapport de l’influence et de la considération ; aussi la première subdivision de la classe moyenne est-elle devenue dans nos mœurs actuelles une espèce d’aristocratie nouvelle.

Mais elle présente ces différences remarquables avec l’ancienne qu’autant celle-ci pesait sur le pays, autant la première est utile : c’est elle qui donne à tout le mouvement et la vie ; qui, par de vastes entreprises et des œuvres de génie, a doté la France d’une gloire paisible, plus efficace pour le bien-être de nos populations que la gloire acquise par les armes. Elle se distingue encore de l’autre aristocratie en ce sens que, pour y parvenir, il ne faut ni faveurs, ni parchemins ; le travail, la haute intelligence, les grands services rendus à la chose publique, voilà les seuls titres de noblesse estimés de nos jours : il appartient à tous d’y prétendre.


On le voit, Saint-Simon et le saint-simonisme, en tant que glorification de l’industrie, sont venus à leur heure ; quatre ans après la mort du Prophète, il semble que son règne est arrivé :


Toutes les réformes, toutes les améliorations sociales ont profité à la bourgeoisie ; elle est donc attachée par intérêt à la conservation de ses conquêtes. On ne pourrait ni rétrograder vers le passé, ni mettre en vigueur les utopies républicaines, sans porter atteinte aux avantages de sa position ; et l’on ne pourrait non plus adopter une forme de gouvernement militaire sans mettre en péril la fortune dont elle dispose : fortune en partie de nature périssable, qui subit une dépréciation proportionnée à la gravité des événemens politiques : rentes sur l’État, valeur des charges études, fonds de commerce, établissemens industriels, etc.


Mais l’école saint-simonienne, par « la classe industrielle, » n’entendait pas seulement, chacun le sait, la classe bourgeoise ; et il fallait y ajouter beaucoup pour former les vingt-quatre vingt-cinquièmes de la nation. Ici les réflexions du préfet de police se sentent à la fois de leur temps et de sa fonction ; elles ne sont sans doute pas exemptes de quelque optimisme officiel, encore qu’il ne mérite pas le reproche d’avoir été tout à fait aveugle :


La quatrième classe (les ouvriers) se trouve en quelque sorte dans les mêmes conditions que la précédente ; sans jouir des mêmes avantages, elle a un égal besoin d’ordre et de confiance ; elle professe un même attachement pour des institutions qui garantissent son avenir, qui ouvrent une libre carrière aux hommes intelligens et laborieux.

Les ouvriers voient tous les jours sortir de leurs rangs ceux qui, par leur mérite, parviennent dans les régions plus élevées ; ils comprennent