Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 16.djvu/138

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
L’HOMME DE 1848[1]

I
COMMENT IL S’EST FORMÉ. — L’INITIATION RÉVOLUTIONNAIRE
(1830-1840)


I

Je suppose un ouvrier parisien, du faubourg Saint-Antoine ou du faubourg Saint-Marceau, arrivé à l’âge d’homme entre 1825 et 1830. Il a fait le coup de feu aux Trois Glorieuses, derrière les bourgeois libéraux de son quartier, un médecin, un notable commerçant, et leurs fils, étudians ou élèves de l’Ecole polytechnique. Deux ans auparavant, en 1828, il lui est tombé sous la main un livre qui l’a troublé : La Conspiration pour l’Égalité, dite de Babeuf, racontée par Philippe Buonarroti. Un peu plus tôt encore, quelques amis, quelques camarades d’enfance, des « jeunes gens du commerce, » tout fiers de se trouver mêlés à « la jeunesse des écoles, » lui avaient assez mystérieusement parlé d’une loge maçonnique, les Amis de la Vérité, d’une grande société secrète qu’on appelait, il ne savait trop pourquoi, la Charbonnerie, et d’autres sociétés par surcroit, l’Union, la Société diablement philosophique, les Francs parleurs, la Société de secours pour les détenus politiques, où, depuis 1820,

  1. Voyez, dans la Revue, la série d’articles sur la Crise de l’État moderne, et notamment la livraison du 15 janvier 1913.