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que leurs injonctions n’avaient obtenu que des propos insultans et que ces hommes ensuite s’étaient couchés sur les routes et dans les rues du village.

Ainsi depuis l’ordre donné, à sa rentrée au quartier général, de reprendre le lendemain la course sur Verdun, des nuages noirs s’amoncelaient dans l’esprit de Bazaine : la menace de l’accroissement des forces prussiennes qu’il jugeait déjà très considérables, le cri d’alarme de Soleille sur la pénurie des munitions, l’ignorance de l’intendant Préval sur les vivres dont il pouvait disposer, les signes d’une désorganisation momentanée des corps d’armée engagés dans la journée.. Il s’en émeut et se rappelle la recommandation de Napoléon III d’éviter tout combat, et de ne pas compromettre son armée. Il retire, aussi rapidement qu’il l’avait donné, l’ordre de recommencer la marche sur Verdun, et il dit à Vasse-Saint-Ouen : « Nous irons nous placer dans des positions inexpugnables ; pour peu qu’on s’accroche au terrain, l’ennemi ne pourra pas nous forcer. »

Priant le colonel Vasse-Saint-Ouen de rester, il lui demanda de répéter devant le chef d’état-major, qu’il envoya chercher, les inquiétudes de Soleille et la résolution qu’elles lui inspiraient. Jarras écouta sans mot dire, et le maréchal, ayant terminé, se retourna vers tous ceux qui étaient là, et leur dit : « Y a-t-il quelqu’un de vous qui pense qu’il y a mieux à faire ? Qu’il parle librement. » Personne ne souffla mot, et Bazaine dicta l’ordre suivant : « Ainsi que nous en sommes convenus, vous avez dû, à dix heures, reprendre vos anciens campemens en les resserrant. La grande consommation qui a été faite dans la journée d’aujourd’hui des munitions d’artillerie et d’infanterie, ainsi que le manque de vivres pour plusieurs jours, ne nous permettent pas de continuer la marche qui avait été tracée. Nous allons donc nous porter sur le plateau de Plappeville. Le 2e corps occupera la position comprise entre le Point-du-Jour et Rozérieulles. Le 3e corps se placera à droite, à la hauteur du Châtel-Saint-Germain, qu’il laissera en arrière ; le 4e sur la droite du 3e, vers Montigny-la-Grange et Amanvillers ; la Garde à Lessy et à Plappeville, où sera le grand quartier général. Le 6e corps sera à Vernéville et la division de Forton s’établira avec le 2e corps. Le mouvement devra commencer le 17 à quatre heures du matin, et sera couvert par la division Metman, qui tiendra la position de Gravelotte et ira ensuite rallier son corps,