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poignante où vivait mon âme. J’avais soif d’un au-delà inconnu et de la tendresse féminine qui manquait à ma vie. Il avait suffi du son des harpes éoliennes pour éveiller cet ardent désir dans mon cœur solitaire d’enfant.

L’étrange est que, la semaine suivante, ce désir trouva un assouvissement, hélas ! aussi fugitif que le vent frôleur entre les cordes, mais qui devait être en même temps pour moi une révélation précoce et singulière de l’amour et de la vie.


III

Tous les matins, j’accompagnais mon père à la Trinkhalle, située de l’autre côté de l’Oos, non loin de la Maison de Conversation, devant une pelouse ornée de beaux massifs de fleurs, au pied de la colline boisée, où des chemins sablés montent en zigzag sous de magnifiques ombrages.

Cet édifice exerça, dès le premier jour, une telle fascination sur moi que, le français étant ma langue maternelle, je l’appelai tout de suite le Palais de la Source. Il date du commencement du XIXe siècle et fut construit par l’un des grands-ducs de Bade. Ce prince eut l’heureuse fantaisie d’orner de peintures originales la grande loggia, qui forme la façade de l’élégant pavillon et sert de promenoir aux baigneurs. Les quatorze fresques du Palais de la Source s’alignent sur le mur de fond de la longue galerie, des deux côtés de la porte centrale qui conduit à la salle pavée en mosaïque, où la source chaude jaillit dans un grand bassin de marbre. Les promeneurs de la galerie, qui regardent les fresques, ont sous les yeux un résumé de l’histoire du pays de Bade. Car elles représentent quatorze légendes empruntées à la tradition locale. Ces peintures ne sont pas sans doute des chefs-d’œuvre de premier ordre, et l’humidité qui les ronge a détrempé les couleurs, mais quelques-unes d’entre elles ont de la grâce et une poésie intime.

Ces fresques m’avaient attiré dès le premier jour et me charmèrent de plus en plus en faisant travailler mon imagination. Les scènes historiques, dont les riches costumes et le pêle-mêle bariolé évoquent d’autres âges, m’arrêtèrent un moment, mais mon attention se concentra bientôt sur trois fresques, qui ont trait à des légendes populaires. Ces trois peintures, qui se trouvent dans l’aile gauche de la galerie et se suivent d’assez